Ne jamais regarder en arrière

A la recherche d’un semblant de forme sur le vélo de route depuis presque une semaine, aujourd’hui basta, c’est le jour d’une sortie en vélo tranquille.

Ce n’était pas la première fois cette semaine que ça aurait dû arriver. Mais on connaît tous le scenario suivant : Ok, finalement une journée mollo. Pas d’intervalle, pas de tempo, pas de répétition en côte. Tranquille, tourner les jambes, bronzer, tranquille. Et, on commence tranquille mais on retrouve les bonnes sensations, du coup, on pense: «whoa, ça va bien, on y va!» Et, on y va… On va de plus en plus vite et pour finir on a  le couteau sous la gorge jusqu’à la maison ! Donc, on commence tranquille mais on finit à bloc ! Mais non,  aujourd’hui, on va TRANQUILLE! Enfin! Je descends en plaine pour remonter chez moi. Ça va être sympa, relax. Une fois en bas, je commence la montée, petit rapport; pas gauche–gauche, mais à quelques pignons près.

Au loin, je vois un autre cycliste. «Non, non, non» me dit ma petite voix (c’est une femme), «n’accélère pas, journée  calme. Non, non, non!». J’obéis (ma petite voix a toujours raison) et je garde mon rythme d’une balade de santé. Mais, mon rythme est quand-même plus rapide que le type devant et très gentiment, je m’approche de lui. Plus haut, la route tourne et le cycliste m’aperçoit du coin de l’œil. «Oh non», me dit ma petite voix…

Je suis assez loin de lui mais gentiment, sans changer mon allure, la distance entre nous se réduit. Maintenant, il tourne la tête et me regarde ostensiblement. Quelques coups de pédales de plus et il se met en danseuse, tourne quasiment tout son torse pour me regarder à nouveau. «Non, non, non», me dit encore une fois ma petite voix. Ensuite, il commence son évaluation : suis-je femme ou homme, gros ou sec, vieux ou jeune ? Quel type de vélo : électrique, vtt, route? Son évaluation terminée, le cycliste devant moi fait ce que 80%  des cyclistes font dans des conditions pareilles….. Il accélère! Pour éviter d’être rattrapé, il accélère! Et, encore une fois, ma petite voix crie : «non, non, non, tranquille!»

Mais ma petite voix me rappelle à l’ordre: «Ne sois pas con, sois raisonnable, n’entre pas dans son  jeu, laisse le faire, reste sur ton programme!»

J’écoute presque toujours ma petite voix mais là, c’est comme si ce type insultait ma mère! Et il va payer. Pourtant ma petite voix me fait réfléchir et je fais ma propre évaluation de la situation. Comment faire payer ce mec qui insulte ma mère SANS casser ma journée de récupération? Je réponds à ma petite voix : «Allez, un seul intervalle puis quelques centaines de mètres de tempo. Easy!  Je ne vais pas me tuer pour le faire payer; il va se tuer lui-même!  Je vais aller pendre ce type dehors pour sécher (comme on dit dans mon pays)».

Alors, après mon sprint initial (seul intervalle), j’observe la réaction du type. Il se tourne à nouveau et accélère encore. Parfait. Je me mets sur la selle et je continue de monter à bonne allure, pas trop soutenue. Je m’approche de lui, mais pas trop. Il m’observe toujours et se met à nouveau en danseuse; l’élastique s’allonge. Parfait. J’augmente un peu ma vitesse. La distance entre nous doit être juste assez mais pas trop. Le prochain village n’est pas loin et le type doit être sec dans peu de temps. La distance entre moi et l’agresseur diminue. Je commence à bouger tout mon corps sur le vélo pour faire semblant que je suis au bout. Comme il me croit en difficulté, le type se met en danseuse pour m’achever !  Alors je mets un dernier coup de rein et la distance entre nous raccourcit de moitié.

Le type s’assied brusquement, son majeur droit pousse frénétiquement la manette pour trouver un rapport plus facile.  Mais le doigt pousse dans le vide, il est gauche-gauche et il n’a plus rien pour le sauver, il commence à faire le serpent sur la route. Voilà, c’est fait, le mec est cuit! Il s’est mis dans le rouge pour ne pas être rattrapé par un autre derrière lui entrain de rouler tranquillement.

Je suis arrivé à sa hauteur. Le mec était rouge comme les fesses d’un babouin. J’ai dit calmement : «Bonjour. punaise, tu as été fort sur cette montée. Bonne continuation». Et je me suis éloigné tranquillement en tournant les jambes. Je ne sais pas où le type habite mais même si c’est à 200m de là, j’espère qu’il a pris son natel avec lui pour appeler un lift!

Ma petite voix me dit : «Tu es vraiment con… Qui était pire : ce mec ou toi ?» Moi j’ai répondu : «Écoute petite voix, il n’aurait jamais dû regarder en arrière. Une fois ok, deux fois… limite, mais pas trois fois… ça, jamais!

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