Strava : distraction, nouvelle forme de compétition, gadget indispensable ou fossoyeur de l’esprit, l’âme du cycliste? Je me souviens de mes débuts à VTT, en 1990. Nous découvrions ces bécanes qui permettaient de « grimper les murs », rouler sur les alpages, faire le tour des montagnes. Chacun s’amusait de ses montées impossibles plus ou moins réussies, de ses franchissements d’obstacles hasardeux — les franchissements, pas les obstacles — et de ses dépassements « tout en glisse » sur les chemins 4×4 en descente.
Nos vélos n’avaient pas de fourche télescopique, pas de pédales « automatiques », des freins pourris et des vitesses à peu près indexées. Pas de compteur, encore moins de GPS, et on faisait du vélo pour s’éclater et, comme le raconte volontiers un ami, « pour avoir bien faim et bien soif après ».
Aujourd’hui, la technique a envahi nos bikes, pas besoin de vous faire un dessin. Là-dessus arrive Strava, le site qui pousse à la compétition même à l’entraînement. Le principe est simple : avec votre GPS, votre iPhone ou autre téléphone équipé d’un GPS, vous enregistrez vos sorties et les envoyez aussitôt achevées vers les serveurs de Strava. Le site décortique le tracé parcouru et détecte automatiquement les tronçons déjà parcourus par d’autres et établit un classement. Vous pouvez, sur la base de vos fichiers délimiter vos propres « segments », auxquels les autres cyclistes pourront se mesurer.
Il y a quelques années, j’en avais eu marre de la compétition, des compteurs et autres cardiofréquencemètres. Et j’avais tout viré. Avec l’arrivée du GPS, comme mon Garmin Edge 500 — une merveille —, j’ai remis un mouchard sur mes vélos. Les cartes du tracé parcouru, c’est tout de même assez sympa.
Le Facebook de vos sorties à vélo
Et puis arrive Strava, le Facebook des sorties à vélo. On se prend au jeu, chaque bosse devient une compétition sans fin. J’ai essayé. Jusqu’à ce que je me rende compte en vacances que je ne regardais même plus les nouveaux paysages qui défilaient devant mes yeux. Plutôt que de découvrir de nouveaux horizons, il fallait retourner trois fois sur la même montée, pour faire mieux que l’inconnu qui venait de battre mon chrono.
Stop. Plus de Strava (aussi pour d’autres raisons, comme les données difficiles à exporter du système), mais davantage de sensations, de découvertes. Strava réduit le vélo à l’obsession de la compétition même si l’on n’en veut pas. Tout le contraire de l’âme du vélo, cet engin de liberté et d’évasion. Qui donne bien faim et bien soif. Qui donne envie de l’après, où l’on partage une bonne mousse et ses émotions. Et ça, Strava est trop binaire pour le comprendre.
Edit du 27 août: Un article intéressant sur le même sujet (en anglais).
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