Dans le Nouvelliste du mardi 23 avril et sa page publicitaire «automobile» déguisée en article rédactionnel, on trouve la colonne «Les conseils de l’expert TCS» qui reste anonyme. Ce qui n’est pas une raison pour raconter n’importe quoi. Pour la petite histoire, le Touring Club Suisse (TCS) se vante régulièrement d’avoir été un club cycliste à la base, mais ça c’était avant. Avant l’automobile.
Chaque fois que je vois cet «expert» aborder le sujet du vélo, je m’attends au pire et je ne suis jamais déçu.
En ce 23 avril, sous le titre « La toilette de la petite reine », il commence assez mal: «Les beaux jours reviennent, c’est l’heure de ressortir son vélo. Mais avant de partir en balade…» Comme si le vélo, à l’heure du changement climatique, ne pouvait pas servir aux déplacements quotidiens, toute l’année, mais devait rester cantonné à la catégorie «loisirs».
De conseils basiques en opinions douteuses
Il poursuit avec quelques conseils certes utiles, mais qu’il faudrait développer et préciser. Cela se gâte en fin de chronique: «Dernier conseil: sortez couverts et n’oubliez pas votre casque! Portez des habits qui vous rendent bien visible. Et n’oubliez pas de respecter la loi sur la circulation routière… feux rouges compris!»
- «Sortez couverts» ne veut rien dire. Couvert de quoi?
- «N’oubliez pas votre casque!» On rappellera que ce dernier n’est pas obligatoire et qu’il n’est pas prévu pour protéger d’un choc avec un véhicule automobile, c’est même un fabricant de casques qui le dit. Pour vraiment protéger les personnes à vélo, il y a plus efficace, comme des zones 30 km/h, dont le TCS ne veut pas, et des infrastructures cyclables séparées et dignes de ce nom. Les Pays-Bas enregistrent le moins d’accidents et de blessés à vélo alors que l’on y parcourt le plus de km à bicyclette par habitant au monde et que personne ou presque ne porte de casque. Incroyable, non?
- Portez des habits qui vous rendent bien visible: on peut aussi demander aux automobilistes de lever leurs yeux de leur portable et de les garder ouverts. Ce sont eux les dangers au volant d’un engin de deux tonnes lancé à 50 km/h ou davantage. Gros véhicule implique grosse responsabilité qu’il n’est pas correct de reporter sur d’autres usagers sans carrosserie.
- Je n’ai pas souvenir d’avoir lu la dernière phrase à la fin des articles publicitaires pour les voitures juste à côté des «Conseils de l’expert TCS». Oui, certaines personnes à vélo prennent parfois des libertés avec les règles de la circulation. Ni plus ni moins que les personnes en voiture et pas forcément avec les mêmes règles, ce qui rend certains comportements plus visibles que d’autres. Mais ce sous-entendu que tous les cyclistes grillent les feux (combien y en a-t-il en Valais?) est juste insupportable et honteux de la part d’un «expert» fût-il anonyme et certainement pas spécialiste en mobilité cyclable.
Alors si le Nouvelliste pouvait arrêter de donner la parole à des «experts» qui au-delà des jugements de valeur donnent en outre des informations incorrectes, merci d’avance.
Les fausses infos de « l’expert » TCS
Quelles informations incorrectes? Par exemple celle de la même page «auto» du Nouvelliste du 30 mai 2023. «L’expert» toujours anonyme affirme, sous le titre « Apprendre juste pou rouler juste », que «les plus nombreuses victimes d’accident de vélo ont entre 10 et 19 ans…» (Spoiler: c’est faux).
Comme j’ai toujours les «warnings» qui s’allument quand le TCS se pique de conseils aux cyclistes, j’ai essayé de vérifier. D’abord en demandant au TCS d’où il tenait ces chiffres. En attendant une réponse que j’attends toujours, je suis allé faire mes propres recherches comme disaient les pourfendeurs des infos officielles au temps du Covid et aujourd’hui au sujet du climat, mais c’est une autre histoire.
Et j’ai trouvé. D’abord le rapport Sinus du bpa, très intéressant comme chaque année. On peut y lire que les catégories des 0–17 ans et 18–24 ans figurent parmi les MOINS touchées chez les cyclistes. De son côté, l’Office fédéral des routes relève qu’avec «170 victimes d’accidents graves (contre 158 en 2021), la classe d’âge des 55–64 ans est la plus touchée».
Je n’ai pas trouvé de statistiques relatives au nombre de kilomètres parcourus, mais je doute que les jeunes, dont c’est souvent le seul mode de transport, par exemple pour se rendre à l’école, soient ceux qui roulent le moins. De toute manière le TCS ne le précise pas non plus.
Des obligations qui n’en sont pas
Dans son article « Chemin de l’école à vélo » du 30 août 2023, l’auteur (toujours le même « expert »?) affirme au sujet des enfants à vélo: «En outre, ils doivent porter un casque, des vêtements clairs et le vélo doit être équipé d’éléments réfléchissants. » Le dernier élément est correct, c’est obligatoire. Ce qui n’est pas le cas du casque, ni des vêtements clairs.
Mêler des éléments peut-être recommandés à d’autres, obligatoires, pour tous les faire passer comme obligatoires n’est pas correct. Ni crédible.
« L’expert » demande aussi aux enfants d’anticiper les comportements fautifs des conducteurs («serrer de trop près une file de voitures parquées sur la droite, parce qu’un conducteur qui vient d’arriver pourrait très bien ouvrir la porte sans regarder») en rappelant «qu’en cas d’accident, fautifs ou pas, les enfants auront toujours plus mal qu’un automobiliste», cela témoigne d’un niveau de «victim blaming» assez élevé, confinant au cynisme. Ne pourrait-on pas exiger de punir plus sévèrement ces comportement dangereux?
Le TCS pourrait aussi, par exemple, s’inspirer de la conclusion du rapport Sinus et insister auprès des autorités pour qu’elles adaptent les routes aux plus vulnérables: «De bonnes infrastructures routières augmentent la sécurité de tous les usagers. Nombre d’infrastructures sont inadaptées pour faire face à la densification du trafic cycliste et aux différentes vitesses auxquelles circulent les divers usagers de la route. La loi fédérale sur les voies cyclables adoptée par le Parlement en mars 2022 devrait avoir des effets positifs à cet égard. Elle contraint les cantons à planifier et à aménager des réseaux de voies cyclables. Le potentiel de la “Safe System Approach”, une approche qui tient compte de la vulnérabilité physique et de la faillibilité de l’être humain, est loin d’être épuisé.»
Ce ne sont pas un morceau de polystyrène sur la tête des gens ou des habits « qui rendent visible » qui vont arranger cela. Mais ça « l’expert » du TCS fait semblant de ne pas le savoir.
Hello Joakim, merci pour cet article très pertinent!
Non non ils ont juste oublié de préciser que c’est un expert « car-centric », et là, c’est un sans faute pour le tcs, il y a tous les clichés au niveau de la sécurité, bravo ! 😉
Merci Alexandre. Un sans-faute en effet, au loto des clichés il coche toutes les cases…
Merci aussi pour ta réponse dans Le Nouvelliste à l’ingénieur peu rationnel de Sierre. J’avais aussi un texte « Un ingénieur ne devrait pas dire cela » en réponse, mais le tien était plus posé et autorisé, vu l’attaque frontale de Pro Vélo 😉
Hep, merci pour ton retour!
Par rapport à ce courrier des lecteurs, c’était une occasion rêvée de pouvoir expliquer à cet ingénieur (et espérons le à d’autres ingénieurs…) comment faire pour réellement protéger les cyclistes! 😉