Une petite semaine à vélo entre le lac de Garde et le Valais

Après l’expérience assez folle et incroyable des 24h Thömus avec ses 460km et quelque 5500m de dénivelé entre Berne et le lac de Garde, du samedi au dimanche après-midi, j’ai entamé le lundi mon retour en Suisse. En cinq jours cette fois, et avec un peu plus de bagages.

Jour 1 – Lundi – Lazise-Bolzano

L’étape du lundi entre Lazise et Bolzano, qui devait me permettre de “récupérer” s’est avérée plus difficile que prévu. Plus longue et avec davantage de dénivelé que ce que j’avais imaginé, mais c’est surtout la chaleur étouffante avec 34 degrés à l’ombre… sans ombre qui m’a causé le plus de fatigue. La longue piste cyclable qui remonte la vallée de l’Adige est toutefois assez remarquable, même si parfois un peu tortueuse et demandeuse en “relances”. Le vent était heureusement favorable, même s’il peut être un «faux ami» par temps chaud, incitant à rouler plus vite que de raison et sans le bénéfice du «rafraîchissement» offert par une petite brise de face.

Après avoir rejoint l’itinéraire cyclable à Rivoli Veronese, ce dernier serpente dans le vignobles sur de petites routes agricoles (souvent interdites aux vélos en Valais, cherchez l’erreur…)
Ce n’est pas toujours très large, mais amplement suffisant pour voyager à vélo.

Heureusement encore, de nombreuses aires de repos, à l’image des restoroutes pour les automobilistes, jalonnent le parcours et permettent de se restaurer dans des conditions souvent très confortables. Les haltes sont généralement bien dimensionnées et certaines proposent même des douches!

Une aire de « véloroute » assez remarquable le long de l’Adige. Parking à vélos, buvette, toilettes, douches…

L’arrivée à Bolzano / Bozen, est tout aussi remarquable, entièrement sur piste cyclable jusqu’au centre-ville entièrement piéton et cyclable. Une charmante surprise que cette ville chargée d’histoire. Les touristes ne s’y trompent pas et après avoir croisé des centaines de personnes à vélo durant la journée, ça continue en soirée…

Arrivée à Bolzano / Bozen, toujours sur une piste cyclable en site propre, jusqu’au centre-ville.
Bolzano by night.

Arrivé quelque peu entamé, je m’offre un bon repas en espérant un sommeil réparateur, car demain c’est le fameux Stelvio qui m’attend après un peu moins de 100 km de route. Il s’agira de garder quelques forces pour cette ascension de 1600 mètres de dénivelé.

Jour 2 – Mardi – Bolzano-Sta Maria Val Müstair

Aujourd’hui, si tout va bien je serai de retour en Suisse et dormirai dans le val Müstair. Mais il faudra d’abord franchi le mythique col du Stelvio. Ce n’est certes pas obligatoire, car le val Müstair se prolonge jusqu’en Italie en pente douce et l’on peut contourner la montagne. Mais comment ignorer ce monument, même avec un vélo de quelque 18 kilos avec les bagages?

Un solide petit déjeuner s’impose avant de prendre la route qui s’annonce difficile aujourd’hui.

En début de journée, la belle expérience de la veille se poursuit avec la piste cyclable le long de l’Adige, où, encore une fois, je côtoie et croise des centaines et de centaines d’autres cyclistes en tous genres. Beaucoup de retraité•e•s, souvent en vélo électrique, avec des sacoches indiquant un voyage à vélo. Sympa.

« Détail » qui n’en est pas vraiment un: le plus souvent, la piste cyclable sur les berges de l’Adige évite soigneusement les croisements avec le trafic motorisé. Davantage de sécurité et mois de relances énergivores à tout bout de champ.
A Trento, et ailleurs, on affiche le nombre de passages de cyclistes. Déjà plus de 1000 peu avant 15h en ce jour de juin 2023. Et plus de 55’000 par mois depuis l’installation du compteur. En Valais, on cache ces informations. Pourquoi?

Après un long plat jusqu’à Merano, avant le village de Töll, la route s’élève sur quelques kilomètres, mais toujours à l’écart du trafic motorisé, sur une remarquable piste cyclable serpentant tel un col alpin sur les contreforts de la partie supérieure de la vallée de l’Adige.

Jusqu’à Prato allo Stelvio, on roule encore et toujours sur une piste dédiée, parfois un peu «gravel», mais toujours très agréable. Depuis le lac de Garde jusqu’au pied du Stelvio il y a environ 240-250 km et j’ai bien dû faire 5km en dehors d’une piste cyclable balisée. Et jamais je n’ai roulé sur une route principale… Assez fou en comparant avec notre canton du Valais qui se targue d’être une destination cyclable.

Cela se confirme en début d’ascension vers le col du Stelvio, avec encore quelques kilomètres de piste cyclable solidement séparée du trafic motorisé. On peine à voir ce qui nous empêcherait de faire de même entre Martigny et Sembrancher (à part l’Office fédéral des routes pour les voitures, qui a encore récemment démontré son hostilité au trafic «lent», même s’il indique par ailleurs que cela ne pose pas de problème de supprimer une piste de circulation là où il y en a trois, comme entre Martigny et Sembrancher).

Le début du col du Stelvio, au départ de Prato allo Stelvio. Une piste cyclable comme on aimerait bien en voir une entre Martigny et Sembrancher (entre autres).

Bref, le début du Stelvio est remarquable, le tronçon suivant un peu moins, mais je n’ai pas vraiment souffert de la circulation (pas de camions en transit sur cette route), plutôt soucieux de savoir comment j’allais arriver au bout des 46 épingles répertoriées depuis le village de Trafoi.

La vue bien connue du Stelvio, qui se mérite à vélo…

Les fameux lacets à flanc de montagne se découvrent assez tard et la fatigue se fait sentir. Heureusement, on est rarement seul sur un col aussi connu et la motivation reste bien présente, au moins jusqu’à l’hôtel à quelques kilomètres du sommet où une boisson sucrée sera mon secours pour rejoindre le sommet sans trop de souffrances.

En haut, c’est une ambiance de kermesse, entre kiosques à souvenirs et stands de «bratwurst» qui accueille les pédaleurs et je ne me fais pas prier pour engloutir une excellente (mais peut-être ne suis-je pas objectif en ce moment de fringale) saucisse avant de me lancer sans trop tarder dans la descente vers le col de l’Umbrail et la Suisse. Ce dernier s’atteint après une très courte remontée, avant de plonger sur le val Müstair par une route magnifique et dans un environnement un peu plus sauvage que son pendant italien, très loin de la foule qui se presse au sommet du Stelvio.

Dans la descente de l’Umbrail, nettement plus « sauvage » et moins fréquenté que le Stelvio qu’il rejoint.
Même les voitures sont plus belles ici 😉

Après une autre journée bien remplie, je prends mes quartiers dans un magnifique Bed & Breakfast sis dans un ancien hôtel de Santa Maria. Confort total dans un endroit où je me poserais bien quelques jours, au calme de la réserve de biosphère et aux confins du parc national suisse.

Une « terrasse » des plus agréables à Santa Maria, dans le val Müstair.

Jour 3 – Mercredi – Santa Maria-Thusis

Au programme du jour: Basse Engadine et Haute Engadine par les cols du Four (Ofenpass) et de l’Albula, pour finir non loin de Coire.

Dès la sortie de Santa Maria, l’itinéraire m’emmène dans la forêt sur un joli chemin non goudronné, ce qui n’est pas pour me déplaire. Ce plaisir de courte durée est vite remplacé par celui de découvrir ce nouveau col, apparement du bon côté, car la descente se fera sur une route bien plus fréquentée, notamment en raison de l’accès à la station de Livigno, que l’on atteint par un tunnel. Mais là encore, on s’en éloigne très vite et dès que possible pour emprunter des routes forestières (malheureusement partiellement en travaux lors de mon passage, même si j’ai pu profiter de la pause de midi pour franchir, involontairement, certains secteur en chantier.

La Punt.

Après une pause «ravito» à La Punt, c’est avec une pointe d’émotion que j’entame la montée du col de l’Albula où Gino Mäder a trouvé la mort quelques jours plus tôt. Toujours difficile de se dire qu’il a roulé vers son destin tragique sur cette même route que nous empruntons pour nos loisirs.

Après quelques instant de recueillement vers le mémorial qui s’est constitué dans ce virage fatal, le sommet est proche. Et la descente sera longue, l’Albula étant bien plus difficile depuis Tiefencastel que depuis La Punt, mais superbe, avec la voie de chemin de fer croisant la route dans un paysage de toute beauté.

Paysage de carte postale dans la descente de l’Albulapass.

Seule la rencontre avec un cantonnier grincheux et furieux de me voir sur une route «fermée» deux kilomètres après le dernier carrefour, sans indication préalable, brisera momentanément l’enchantement.

Je suivais un itinéraire cyclable national, sans aucune déviation mise en place et ce n’étaient pas des travaux de fauchage qui allaient me faire remonter la vallée sur deux kilomètres avec mon vélo chargé, en fin de journée, en raison d’un acariâtre qui n’avait pas signalé la fermeture plus tôt… Surtout que les préposés au fauchage n’ont rien trouvé à redire à mon passage, ni à celui d’autres cyclistes croisés à cet endroit.

Après cet intermède pimenté, retour malheureusement sur la route principale en direction de Thusis, et Coire surtout, avec une circulation importante et des tunnels désagréables, malgré mon éclairage de circonstance. Encore un de ces tronçons où les autorités ne trouvent rien de mieux que de conseiller aux cyclistes de prendre le train… À terme il faudrait peut-être qu’un abonnement demi-tarif soit offert à l’achat de chaque vélo…

Jour 4 – Jeudi – Thusis – Andermatt

Une étape un peu plus courte (mais la dernière fois que j’ai fait la Furka en étant entamé à Andermatt j’ai cru ne pas y arriver, alors cette fois je fais autrement, même pour l’Oberalp), mais très belle avec de long passages gravel en remontant la vallée du Rhin dans un paysage superbe. Notamment à la hauteur des gorges du Rhin (Rheinschlucht) en passant en rive droite de la rivière jusqu’à Disentis, où l’on rejoint la route principale de l’Oberalppass.

Les gorges du Rhin vues depuis la route entre Bonaduz et Versam.

Sinon, on trouve des fontaines partout et l’on peut rouler sans crainte de manquer d’eau (sur les rives du Rhin ce serait bête). Il vaut toutefois mieux d’être équipé d’un vélo typé gravel (ou qui autorise des pneus de plus de 30mm) pour suivre les itinéraires de la Suisse à vélo (pas à VTT, bien à vélo). C’est parfois bien de la «caillasse» et si les traceurs ne manque pas d’imagination pour éviter les routes à fort trafic, ça peut être un peu limite pour certains cyclistes pas trop techniques et/ou avec de grosses sacoches. A ce propos, je suis très très satisfait de mon système Tailfin qui ne bronche pas et me permet de foncer même lorsque ça tabasse un peu (lire ci-dessous le paragraphe «matériel»).

Jour 5 – Vendredi – Andermatt-Fully

Dernière étape du retour au bercail, au départ d’Andermatt. La Furka, avec laquelle j’ai quelques comptes à régler depuis mon passage au début du mois, se dresse devant moi. Mais je me mets d’abord en mode « gravel – limite VTT » jusqu’à Realp, ce qui me vaudra un petit demi-tour après avoir perdu mon « bidon » de réparation.

La route est quasi-déserte aujourd’hui, ce qui me change de mon dernier passage ici, à la limite du supportable.
Le premier qui voit le sommet a gagné…

Une pluie fine m’accompagne depuis le départ et ne me lâchera plus jusqu’au sommet caché dans un brouillard assez dense. La descente de la vallée de Conches se fera en suivant l’itinéraire 1 de la Suisse à vélo. Très très «gravel» on dira et avec de sévères «coups de cul». Franchement limite pour un itinéraire « bleu » à mon avis.

La Route du Rhône, itinéraire national n°1, est tout de même assez « gravel », voire « VTT » par moments dans la vallée de Conches.

Même l’itinéraire de la Jura bike réalisé en famille en 2020 était globalement moins technique. Cela ne m’a certes pas gêné et j’ai beaucoup aimé, mais envoyer des voyageurs à vélo, souvent avec de lourdes sacoches là-dessus, c’est assez osé. Et dans l’autre sens, à Brigue, c’est aussi une de ces fameuses routes où l’on conseille aux cyclistes de prendre le train… Pas sûr que les kilomètres péniblement gagnés en trente ans y changent quelque chose dans un avenir proche.

A Brigue, les personnes à vélo sont invitées à prendre le train. A leurs frais bien sûr.

Le reste, de Brig à Fully était plus connu et monotone. Et, sans surprise, face à un vent assez violent. Pour rester sur le sujet des aménagements «cyclables», on relèvera tout de même que la ligne jaune est continue dans la traversée du bois de Finges. Non que cela offre une protection supplémentaire, mais le message aux automobilistes est plus clair: «vous n’avez rien à y faire», contrairement à ce qu’ils semblent parfois penser avec une ligne discontinue.

Au final, ce retour en Valais met cruellement en lumière le fossé qui sépare le canton de régions comme le Trentin-Haut-Adige, en matière d’aménagements cyclables. Assez clairement une région concurrente d’un point de vue touristique, été comme hiver. La concurrence est en avance et n’attend pas…

Le matériel

Contrairement à Thierry Crouzet, je trouve que le vélo de «gravel» est idéal pour les voyages non organisés. Il roule bien sur la route (avec une autre paire de roues j’ai d’ailleurs utilisé le même vélo pour les 24 heures Thömus), même avec des pneus de 42mm, des Specialized Pathfinder en l’occurrence, et ne craint bien sûr rien sur les chemins gravillonnés, routes forestières et autres trous, bordures ou rails de tram que l’on rencontre tout de même assez souvent en milieu urbain.

C’est donc avec mon fidèle Specialized Crux, monté en double plateau Ultegra Di2, que j’ai fait ce petit voyage. Son poids à vide en configuration «route» est inférieur à 8kg. En mode «voyage», avec pneus volumineux et des roues alu moins «dommages», on arrive à environ 8,9 kg. Ajoutez-y un porte-bagages Tailfin (570 grammes), les sacoches et leur contenu (vêtements, électronique, outillage et pièces, nourriture), ainsi que deux bidons de 500 ml, vous arrivez à un vélo «prêt à rouler» de 18,7 kg. A l’usage, cela reste ma foi assez acceptable, même dans les cols avec un plus petit développement de 34×32.

Le système Tailfin pour les bagages

Habitué des sacoches de selle, mais voyageant souvent sur des routes en mauvais état ou « gravel », je regrettais toujours le petit mouvement latéral, ou vertical lors de plus grosses secousses, de ces sacoches. Avec Tailfin, rien ne bouge, le volume est appréciable et les affaires faciles d’accès. De plus, c’est vite installé et vite enlevé. La version «sacoche» amovible du porte-bagages est vraiment très pratique. Un sans faute. Un poil cher, mais c’est du costaud qui devrait me servir encore bien des années. Je complète avec d’autres sacoches selon le matériel à emporter. Toujours une sacoche de cadre et sur ce voyage, la sacoche de cintre de Route Werks, facile à enlever et qui sert de « sac à main » avec mes quelques objets de valeur.

L’itinéraire sur Komoot

2 réflexions au sujet de “Une petite semaine à vélo entre le lac de Garde et le Valais”

  1. Salut Joakim,

    bravo et merci pour ce périple partagé richement décrit et illustré, plein d’enseignements pour notre Canton. J’ai relayé.

    Belle journée

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