« C’est nous ou les gens sont agressifs sur les routes par ici. On dirait presque qu’ils voudraient nous tuer… » Cette phrase a été prononcée par des Belges venus participer au 2e Tour des stations et elle en dit long sur l’accueil réservé aux cyclistes sur les routes valaisannes.
Peu importe que les locaux cohabitent tant bien que mal avec les monstres de tôle et leurs conducteurs parfois distraits, inconscients ou carrément agressifs, aujourd’hui le niveau de l’accueil touristique se mesure à celui de la concurrence étrangère, européenne et mondiale, qu’il s’agisse de l’hôtellerie, la restauration, l’ambiance générale ou sur la route pour ce qui est du vélo. Et dans ce domaine, en Valais, le niveau est clairement insuffisant. Pour plusieurs raisons: des lois inadaptées, une volonté politique absente et des infrastructures déficientes. Autant d’éléments dont découlent des comportements dangereux sur la route, au détriment des plus vulnérables évidemment.
Des lois inadaptées
En Suisse, les cyclistes ne sont en principe pas autorisés à circuler de front. Sauf s’ils sont plus de dix, ou qu’ils circulent sur un itinéraire cyclable sur une route secondaire, ou encore qu’ils sont nombreux.
Le problème étant que la plupart des autres usagers de la route pensent que les cyclistes n’ont jamais le droit de circuler de front. Et qu’il faut donc leur faire la leçon.Ce problème est lié à un autre: la distance latérale à respecter lors d’un dépassement, qui est laissée à la libre appréciation du conducteur. Pour ce dernier il est évidemment plus facile de doubler, en le frôlant, un cycliste seul, que deux cyclistes de front, ce qui l’obliger à se déporter davantage. Un « avantage » qui diminue avec le nombre de cyclistes à doubler, disons 9 pour rester dans l’obligation de la file indienne. Une colonne qui mesure environ 30 mètres et dont le dépassement sera bien plus long que si les cyclistes circulaient de manière plus groupée.
Cet « avantage » est de toute manière annulé en respectant la distance latérale de 1,5 m, obligatoire dans bien des pays, préconisée par la Police cantonale valaisanne, mais que le Conseil fédéral refuse d’inscrire dans la loi sous prétexte que cela serait trop compliqué à contrôler, même si d’autres y arrivent très bien.
En Espagne, par exemple, un cycliste doit se dépasser comme s’il s’agissait d’une auto, donc en se portant sur la voie de circulation opposée. Une règle simple et efficace, respectée qui plus est, surtout dans les hauts lieux du tourisme « cycliste » comme Majorque, la Catalogne ou les Îles Canaries. Là, les cyclistes sont autorisés à circuler de front, les exceptions (endroits très étroits et sans visibilité par exemple) étant spécifiées sur le terrain par des panneaux ad hoc. Mais le panneau ci-dessous montre bien que deux vélos côte à côte, c’est OK.
Donc on double comme s’il s’agissait d’une auto, peu importe que le cycliste soit seul ou qu’ils soient plusieurs. A la file ou côte à côte, cela ne change rien.
D’ailleurs, vous êtes deux dans une auto, est-ce que vous vous asseyez l’un à côté de l’autre ou le passager prend-il place derrière le conducteur? A côté c’est plus facile pour discuter, non? A vélo c’est pareil. Et lorsque vous êtes seul en auto, est-ce que vous prenez moins de place sur la route (en plus de faire du bruit et de polluer)?
Une volonté politique absente
Pour le Conseil fédéral, tout va bien. Pas besoin donc de fixer une distance latérale pour les dépassements ni de prendre des mesures pour améliorer la sécurité dans les giratoires, par exemple. Les automobiles sont toujours plus imposantes, les conducteurs distraits, pressés, parfois agressifs (bien aidés dans leur construction mentale par certains fabricants comme BMW et ses publicités effarantes). Mais la vie des cyclistes, écoliers, mères et pères de famille est laissée à leur libre appréciation.
Dans les cantons et communes, ce n’est guère mieux. Où sont les plans concrets en faveur des mobilités actives? Les liaisons piétonnes et cyclables entre villes et villages, les gares, les arrêts de bus, les écoles et les commerces? Où sont les budgets? On manque d’argent? Non, on en a encore trop lorsque l’on n’a « pas les moyens » d’investir dans ce qui coûte les moins ou lorsque l’on refait des aménagements inutiles à l’identique, comme ce trottoir qui ne mène à nulle part sur le pont entre Fully et Saxon. Ou qui permet d’entrer sur l’autoroute (à contresens) à pied…
Des infrastructures déficientes
« J’aimerais bien circuler à vélo, mais je n’ose pas aller sur la route », entend-on souvent et on peut le comprendre. Où sont les aménagements sûrs pour tout le monde? Comment sont entretenus les rares aménagements existants? Pourquoi servent-ils de dépôt à neige en hiver?
Lors des derniers pics de pollution, l’État a offert des bons de 20 francspour faire découvrir les transports publics et peut-être inciter les gens à repenser leur mobilité. Mais que fait-il en amont pour ne pas décourager (ou encourager, allez, soyons fous) ceux qui tentent déjà de limiter l’utilisation de leur voiture?
Il y a bien quelques aménagements isolés qui relèvent le niveau, comme la piste cyclable entre Fully et Martignyou celle promise pour bientôt entre Saillon et Saxon. Mais, à l’image d’une chaîne, un réseau cyclable est aussi bon que son maillon le plus faible, pas le plus fort.
De plus, si mes enfants doivent risquer leur vie sur les berges du Rhône, où les autos ont le droit de circuler à 80 km/h, pour rejoindre Martigny via la piste cyclable, c’est nul, évidemment. Ou s’il faut faire un détour de plusieurs kilomètres pour être en sécurité, où sont le confort et l’attractivité pour une mobilité active? Jusqu’à présent, le vélo ne figurait pas dans les priorités de nos autorités et l’on peut juste espérer que cela change. Que le Conseil d’État valaisan revienne de son voyage à Copenhague avec de bonnes idées, et la volonté de les mettre en œuvre.
Nos chers amis belges ont bien vécu, ressenti et exprimé spontanément la situation actuelle sur les routes valaisannes. Certains automobilistes sont très agressifs. Et font du tort à tout un canton qui pourrait être le paradis cyclable vanté par la pub et les instances touristiques. Mais qui, pour l’instant, se voit plus beau que ce qu’il est vraiment.