Ainsi donc le canton du Valais a lancé la semaine dernière une alerte aux particules fines. « Les concentrations de particules fines en Suisse romande dépassent — en raison de la situation météorologique de ces derniers jours — la norme de 50 µg/m3 fixée dans l’ordonnance sur la protection de l’air (OPair). Le seuil d’information de 75µg/m3 est également franchi dans plusieurs cantons. Les cantons romands émettent donc des recommandations à l’intention de la population. Le Valais lance pour ses résidents une action promotionnelle en faveur des transports publics: un rabais de 20 francs à l’achat d’une carte multicourses. » Depuis, avec le vent qui s’est levé, le problème a dû se régler avec des particules qui sont parties un peu plus loin. Reste que, sur le fond, la question demeure.
« La pollution aux particules fines n’est pas une fatalité », écrit le Service cantonal de l’environnement. « Le comportement individuel de chaque personne peut contribuer à réduire les nuisances ». Les recommandations sont les suivantes:
— Utiliser les transports en commun
— Pratiqer le covoiturage
— Privilégier les modes de déplacement non polluants (marche, vélo) pour les trajets courts.
— Renoncer à l’utilisation de voitures diesel ne disposant pas de filtres à particules.
— Conduire selon la méthode Eco-Drive
— S’assurer que son chauffage et sa cheminée sont conformes aux normes en vigueur.
— Renoncer aux feux de « confort » (cheminée, poêle) ainsi qu’à tout feu en plein air.
— Baisser la température de son logement de 1 à 2 degrés, en mettant au maximum 19-20°c.
Faites du vélo, mais pas de sport
Personnellement, c’est surtout les mesures sur le transport qui m’intéressent. On remarquera aussi que le canton conseille de faire du vélo, mais déconseille le sport: « modérer les efforts physiques (lesquels augmentent le volume d’air inhalé) ou se déplacer en altitude, au-dessus du smog ».
Alors voilà, pour inciter la population à prendre le train ou le bus plutôt que la bagnole, le canton offre royalement des bons de 20 francs pour des abonnements de parcours. Le genre de mesure ponctuelle qui me fait doucement rigoler. Les pendulaires déjà convertis vont en profiter, c’est certain. Je l’ai fait et je dis merci. Mais je doute fortement que l’automobiliste lambda renonce à sa voiture pour si peu. C’est pourquoi, en regard des recommandations du Service de la protection de l’environnement, je pose quelques questions et réflexions.
Le canton montre-t-il l’exemple?
— Transports en commun: des efforts ont été faits, la cadence des trains régionaux, par ailleurs confortables, améliorée. Pas grand-chose à dire, sinon que l’on peut toujours faire davantage et qu’il le faudra aussi.
— Covoiturage: existe-t-il des places officielles (des sauvages, il y a en a) pour regrouper les gens? Sont-elles répertoriées?
— Véhicules diesel sans filtres à particules: tous les engins de chantier et véhicules de l’État, ou des entreprises travaillant pour ce dernier en sont-ils équipés? Si non, pourquoi? Et sont-ils au chômage technique lors d’alertes aux particules fines?
— Rien à voir, mais est-ce que l’armée a prévu de limiter les vols de ses Pilatus PC-7 ou 9 et de ses FA-18 durant cette période de pollution de l’air? Simple question de cohérence en passant.
Volontaires mais mal récompensés
Enfin, pour ce qui est de privilégier la marche ou le vélo… Vaste chapitre. Je doute encore qu’une alerte officielle, doublée d’un bon de 20 francs encourage vraiment les gens à faire du vélo. Surtout lorsqu’il faudrait s’en abstenir dans le même temps. En fait, ce sont les personnes qui font cet effort au quotidien, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, qui sont bien mal récompensées, pénalisées qu’elles sont par les excès de pollution des autres. Encourager au vélo une fois par année, c’est bien. Engager une vraie politique dans ce sens au quotidien, ce serait mieux.
Défiscaliser le vélo comme l’auto
C’est pourquoi je suggère à l’État du Valais de vraiment favoriser la mobilité cycliste par une réflexion immédiate, mais avec une vue sur le long terme. Défiscalisation des déplacements à vélo équivalente à l’automobile (aujourd’hui si je me déplace à vélo, j’ai droit à une déduction de 700.- par an (page 23 du document PDF), contre 7000.- si je prends la voiture sur 10’000 km, cherchez bien l’incitation…) assortie de la création des pistes cyclables confortables, éclairées là où cela s’impose, déneigées en même temps que les routes (à Copenhague, c’est même avant), voire chauffées (on y songe aux Pays-Bas).
Et que l’on ne nous serve pas l’argument des bandes cyclables, cette peinture jaune qui n’a jamais protégé personne, ni du climat (les Pays-Bas ou le Danemark, réputés pour leur utilisation massive et naturelle de la bicyclette, ne sont pas les endroits les plus doux de la planète). Que l’on ne me parle pas non plus du manque de place, on n’en manque jamais pour élargir des routes ou les affubler de doubles trottoirs en rase campagne (intense réflexion pour le contournement Nord de Martigny, voir la photo ci-dessous).
Enfin, que l’on ne m’oppose pas non plus le manque de moyens. Encore faut-il fixer les priorités. En Hollande, où ce qui est bien pour le vélo n’est pas forcément suffisant lorsque l’on peut faire mieux, on n’hésite pas à construire des giratoires suspendus ou des ponts uniquement pour les cyclistes. Chez nous, quelque 156 millions de francs vont être investis autour de l’autoroute A9 à Sion. Ce montant, selon les chiffres officiels de la Confédération, permettrait de créer 260 kilomètres de pistes cyclables éclairées et en site propre. De vraies pistes sécurisées, où l’on peut envoyer des enfants sans crainte qu’ils ne trépassent sous les roues d’un automobiliste à qui les 10 minutes de fonctionnement à vide n’auront pas suffi pour dégivrer le pare-brise. Non, je ne force pas le trait, je l’ai vu pas plus tard que ce vendredi 1er mars au matin.
Il s’agit de rendre les déplacements à vélo plus simples, confortables et rapides que l’automobile. Sinon chacun continuera à s’asseoir au volant pour les quelques kilomètres quotidiens pour lesquels il se sent « obligé » de prendre la voiture. Les gesticulations officielles, même avec un cadeau de 20 francs, n’y changeront rien.