Le jour où je suis devenu un « vrai Flandrien »

Ma plaque de cadre, un souvenir bien ancré…
Ma plaque de cadre, un souvenir bien ancré…

«Alors ce Ronde, tu l’aimes?» Lorsque ce cycliste flandrien avec qui je roulais depuis quelques minutes en ce 3 avril 2010 m’a posé la question, je n’ai pas répondu tout de suite… C’est que nous étions au sommet du deuxième mont seulement de ce Tour des Flandres 2010, sur un total de 15. Et c’était déjà pénible après plus de 130 kilomètres parcourus au plat, mais sur des pistes cyclables, avec des arrêts à tous les feux rouges, dans le vent, sous la pluie, et par une température autour de 5 degrés centigrades.

Quelques kilomètres plus tôt, ce même compagnon de route avait bien tenté de me convaincre que ces conditions météorologiques faisaient de moi un «vrai Flandrien». J’ai bien compris ce qu’il voulait dire, mais je n’étais pas certain de vouloir être un Flandrien. Alors, à peine quelques instants plus tard, dire que j’aimais ça était pour le moins exagéré. Ou prématuré.

Le vent dans la gueule, avec de l’eau

C’est que le “Ronde” se fait apprécier sur la durée, et, surtout, l’arrivée franchie. Les 130 premiers kilomètres sont ennuyeux, autant ne pas le cacher. Les 130 derniers, passionnants. Passionnants pour qui n’a jamais roulé sur des pavés, franchi ces monts aux raidards destructeurs et découvert l’amour des Flandriens pour le vélo et cette course en particulier.

Première demi-surprise donc, la météo. Chez nous, il pleut ou il souffle, rarement le deux en même temps. Là-bas, l’un ne va pas ans l’autre. Le froid ensuite. Ici, on se dit que ça fera bien un peu de neige en altitude, toujours ça de pris. Dans les Flandres, on se dit juste qu’il fait froid…

Premiers pavés

Les pavés ensuite. Durant les trois ou quatre premières heures, on a le temps de redouter le premier secteur pavé de sa vie. Heureusement, il est à plat. Difficile d’exprimer à quel point ça secoue. Je me souviens juste avoir pensé que l’on pouvait se casser un tibia rien qu’en pédalant. Mais finalement, on s’habitue, et j’avoue avoir plutôt bien aimé ça. Surtout que cela permet de se défaire des cinquante cyclos qui sont sur votre porte-bagages depuis… très longtemps.

Un météo bien Belge nous accueille à Ninove, la veille de la course, après une dizaine d’heures de route.

Voici les monts

Après le froid, le vent, la pluie et les pavés à plat, on augmente la difficulté en mélangeant le tout, mais en montée. Les voici ces fameux monts qui ne dépassent jamais les 100 mètres de dénivelé. Mais allez faire 15 bosses de 100m de dénivelé à 15-25%, sur des pavés boueux, après 5, 6, 7, 8 heures de route. Vous m’en direz des nouvelles… Et si vous êtes assez frais, essayez de mémoriser les noms des monts… Oude Kwaremont, Molenberg, Elkenberg, Koppenberg (le plus mythique peut-être), Kapelmuur, Bosberg…

Trop dur? A pied!

Mon but était d’aller au bout, dussé-je marcher. Dans deux monts, j’ai d’ailleurs mis pied à terre, dans le Koppenberg, notamment. Trop dur, trop glissant, trop fatigué et soulagé de marcher un bout… Jamais je n’ai douté au point de craindre ne pas y arriver. Mai j’ai connu de très gros coups de barre. Les kilomètres défilent très lentement sur le compteur, qu’il vaut mieux éviter de consulter trop souvent pour ne pas saper son moral.

Heureusement, le public déjà présent, les ravitaillements copieux, la vision de cyclistes bien plus en difficulté et l’aide précieuse de mon frère qui m’a emmené jusqu’à Meerbeke (déjà que ce Ronde était son cadeau d’anniversaire pour mes 40 ans, il avait intérêt à ce que je l’apprécie jusqu’au bout ;-), ont permis surmonter les plus durs moment. Passé le Bosberg, ne restait plus qu’à se laisser glisser (enfin s’il n’y avait pas ce vent…) vers l’arrivée. La dernière averse, très froide, accompagnée d’un vent violent, finira de m’achever. C’est tremblotant que je rejoins les douches, près de 10 heures après avoir quitté Bruges au petit matin.

Je n’ai pas recroisé le chemin du cycliste flandrien qui me demandait si j’aimais ce Ronde. J’aurais pu lui dire que j’étais finalement fier d’être un «vrai Flandrien». Et que oui, j’aimais ça.

Quelque 19’000 « touristes » au départ

Le Tour des Flandres cyclo (non chronométré) a lieu chaque année depuis 2005 la veille de la course des professionnels. Un bon moyen de profiter du public déjà présent sur le parcours et de vivre la course presque dans les mêmes conditions que les pros (même si en 2010, ils ont été plus chanceux question météo).

En 2010, quelque 19’000 cyclos se sont élancés sur les différents parcours, plus ou moins longs, du Ronde. Nous étions 3400 à avoir opté pour le parcours complet de 260 km entre Bruges et Meerbeke (Ninove). Environ 400 (seulement!) ont renoncé après 150 km en raison des conditions difficiles.

Davantage d’informations sur le site internet du Ronde van Vlaanderen cyclo.

Un week-end de rêve avec la victoire de Cancellara

Au lendemain de notre périple à travers les Flandres, place à la course des pros. Nous rejoignons le sommet du Bosberg, le dernier des monts, à une dizaine de kilomètres de l’arrivée. Les cantines de fête dont montées, comme au sommet de chaque bosse ou presque. Il paraît qu’il y a un million de personnes au bord de la route ce week-end. Notre cantine est équipée de téléviseurs et la bière à 1,3 € est servie dans de vrais verres, lavés et relavés tout au long de la journée.

Certains spectateurs ont bien anticipé la fête et sont déjà fatigués au point de s’endormir devant la télé. Pas nous. Et surtout pas avec le numéro de Cancellara qui survole les pavés où nous étions à l’arrêt la veille. Le Suisse dépose Boonen dans le mur de Grammont. Juste le temps pour nous de bondir hors de la tente pour le voir passer au sommet du Bosberg. Boonen pointe à une minute (voir la vidéo ci-dessous). C’est plié. Et notre week-end aussi. Mieux, ce sera difficile.

Cancellara – Ronde van Vlaanderen 2010 – Bosberg from Joakim Faiss on Vimeo.

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