[Toi aussi, écris comme la Police cantonale et copie-colle comme les médias]
Dimanche vers 18h30, pour une raison encore inconnue , un but a été marqué au stade de Tourbillon, à Sion.
Un joueur du FC Thoune courait en direction du Nord depuis le rond central de la pelouse.
Arrivé à la hauteur du point de penalty, pour une raison que l’enquête devra déterminer, un choc s’est produit entre le crampon avant droit de sa chaussure gauche et un ballon qui traversait la surface de réparation.
Suite au choc, le ballon a été projeté dans les filets et un but a été marqué. Les espoirs des joueurs locaux sont décédés et le Ministère public, en collaboration avec la Police cantonale, a ouvert une instruction (dont on ne saura jamais rien, ndlr).
Communiqué fictif (sauf pour la défaite du FC Sion) librement rédigé en m’inspirant de la manière de rapporter des collisions routières par la police et les médias. Photo de titre Val Britaus sur Unsplash.
Plus sérieusement, il serait temps que la Police cantonale s’inspire des recommandations faites à la presse lorsqu’elle écrit des communiqués de presse.
Le problème avec les récits “d’accidents” (un terme qu’il ne faudrait utiliser que lorsque l’on est certain que c’est un “accident”, c’est à dire un “événement imprévisible malheureux”. Le terme “imprévisible” est ici important, car lorsqu’un·e automobiliste conduit sous influence, en manipulant son téléphone, son autoradio, son système “d’infodivertissement”, trop vite, en ne faisant pas attention à l’état de la chaussé où à ce qui se trouve, la probabilité d’un “événement malheureux” augmente et n’est plus “imprévisible”. Fin de la longue parenthèse.) comme ceux de la Police valaisanne, repris paresseusement par les médias, c’est qu’ils occultent totalement la présence d’un acteur principal: le conducteur ou la conductrice de l’engin motorisé.
C’est d’ailleurs bien commode, car nous sommes tous, ou presque, conducteurs un jour ou l’autre. Pouvoir se réfugier derrière des termes comme “une voiture” nous protège d’une nécessaire remise en question chaque fois que nous nous mettons au volant. Car s’il s’agit d’un “accident” avec “une voiture”, c’est bien que le pauvre automobiliste n’y pouvait pas grand chose.
L’idée n’est certes pas de prétendre que les conducteurs·trices sont toujours responsables des dégâts qu’ils causent. Mais ils le sont tout de même assez souvent et avec les tournures abstraites utilisées dans les communiqués, ils ne le sont jamais.
Tout ceci peut paraître bien risible en regard de la mort d’une personne, comme la malheureuse piétonne à Sierre. Paix à son âme.
Mais cela prend tout son sens si cela peut rappeler à chacun·e que se mettre au volant d’un engin de deux tonnes lancé à plusieurs dizaines de km/h comporte de grands dangers, exigeant une attention de tous les instants et une lourde responsabilité que l’on ne saurait ignorer sous prétexte d’un “accident”.
Oui, de véritables accidents surviennent parfois. Mais le plus souvent, crashes et autres collisions pendent au nez de certains conducteurs et il serait bon de le leur rappeler. La peur sur la route est aujourd’hui du côté des plus fragiles et elle doit changer de camp.
Les recommandations de Laura Laker, à l’Université de Westminster (PDF en anglais), encouragent ainsi les médias, entre autres, à éviter d’utiliser le mot “accident” – au profit de “crash” ou “collision” qui n’ont pas la même caractère d’imprévisibilité, avec souvent une cause bien réelle – et à reconnaître le rôle des automobilistes, de nombreux médias continuant par exemple à publier des titres tels que “une voiture s’écrase contre un arbre”.
Les dix points clés de ces lignes directrices en résumé :
- Soyez toujours précis, dites ce que vous savez et, surtout, ce que vous ne savez pas.
- Évitez d’utiliser le mot “accident” tant que les faits de la collision ne sont pas connus.
- Si vous parlez d’un conducteur, dites un conducteur, pas son véhicule. Ou pire, “une voiture”.
- Tenez compte de l’impact de la publication des détails de la collision sur les amis et les parents.
- Faites preuve de prudence lorsque vous publiez des photos, y compris des séquences ou des images générées par les utilisateurs.
- Si vous rendez compte d’un ralentissement de la circulation, veillez à ne pas occulter le plus grand préjudice, à savoir la perte d’une vie ou des blessures graves, ce qui pourrait banaliser la mort sur la route.
- Les journalistes doivent se demander si le langage utilisé ne généralise pas négativement une personne ou son comportement en tant que membre d’un “groupe”.
- La couverture des risques perçus sur les routes doit être fondée sur des faits et dans leur contexte.
- Il faut éviter de présenter les infractions à la loi ou au code de la route comme acceptables, ou les auteurs comme des victimes.
- Les professionnels de la sécurité routière peuvent contribuer à fournir un contexte, une expertise et des conseils sur des questions plus générales liées à la sécurité routière.