Ode à Billy B

Comme mentionné dans la dernière chronique, j’ai un copain, un «néophyte» du vélo. Plusieurs fois j’ai roulé avec lui. Et oui, c’est vrai, au début, il avait un vélo équipé d’un triple plateau! Et c’est lui qui m’a donné une fessée quand j’étais convaincu que le petit plateau de 39 était la seule manière possible d’avancer réellement en côte.

Je ne dirai pas son nom, mais, on peut l’appeler Billy B (BB). Il est un coureur à pied exceptionnel, voire “world class”! En fait, il est un athlète exceptionnel. Il ne se prend pas la tête, il fait du ski de fond, de la peau de phoque, il marche en montagne avec les bâtons. Il s’en fout: tout ce qu’il fait, il le fait à fond. À l’époque, il se foutait complètement du matériel. Plus lourd étaient le vélo et les skis de rando ou les bâtons, le mieux pour son entraînement. On ne fait pas de vélo ou de ski de fond ou de la peau de phoque ou de la marche en montagne avec BB; on démarre avec BB! Comme un ami commun me disait: «Nous, comme simples mortels, nous pouvons seulement le regarder s’en aller».

Si tu es dans la forme de ta vie, et que tu restes un bout avec BB, tu en chies. Tu es à bloc, en train de régurgiter un poumon et lui parle, parle et parle encore. Il parle, très casuellement, de lui, et de ses watts, et de ses pulsations, et de ses mètres/min, et de son poids, et de ses exploits Stravariennes. Ses chiffres sont impressionnants! Mais c’est difficile à entendre, car les oreilles sont pleines de bruit, le bruit de ton cœur qui pompe à fond et résonne dans ton corps! Heureusement, la conversation est un monologue, car tu es tellement dans le dur, que tu ne peux former les mots. Tu ne peux que cracher des globules de flegme et quelques syllabes incompréhensibles…

 » Quand il fait froid, BB descend en vélo avec une doudoune! BB ne se pose pas de questions. » 

Il y a quelques années, BB n’avait aucune idée du vélo de course ou de la manière de rouler. Il a certainement connu le vélo, car à l’époque il avait un vélo équipé de paniers et de sacoches, il le chargeait avec une tente et quelques effets personnels et il roulait ainsi jusqu’à ses compétitions de course à pied, proches ou lointaines. Et la plupart de ces courses, il les gagnait! Plus qu’un athlète exceptionnel, BB est un vrai, un dur, un Hard Man. Un matin, mi-février, je descendais, en voiture, très tôt pour travailler. De loin, je vis un cycliste qui montait. Je me dis: «il ne fait pas encore jour, il fait froid et humide et voilà un mec qui roule! Ça ne peut être que BB!» Et effectivement, c’était lui. Il part tôt le matin pour aller travailler. Aller et retour, probablement 1600 mètres de dénivelé. Quand il fait froid, BB descend en vélo avec une doudoune! BB ne se pose pas de questions, il n’est pas complexé!  

Je me souviens de la première fois que l’on a fait du vélo ensemble. Il est arrivé au rendez-vous avec un vieux cuissard Banesto sans bretelles des années 90, ses chaussettes de tennis jusqu’à mi-mollet, qui cachaient pour moitié les poils des jambes, et pour l’autre moitié son tatouage de Fred: une empreinte graisseuse du plateau! Son maillot était en totale dysharmonie avec son cuissard! Son casque, avec visière, était très mal réglé et ses chaussures, des chaussures de VTT. Son vélo était un De Rosa Merak (un bon point pour BB) qu’un ami lui avait prêté pour l’entraînement. Le De Rosa, bleu de couleur d’origine, était noir de saleté! Punaise, je n’ai jamais vu un vélo si sale. Quant à la guidoline, pas mieux: déchirée, embrouillée, un vrai désastre! Peu importe, BB ne fait pas de cas, il ne se pose pas de questions, il n’est pas complexé!  

« En roulant, la machine de BB grince, craque, crie, se plaint! » 

L’ancien bleu du De Rosa est «long gone» et le nouveau motif «graisse/crasse» faire naître la symphonie du vélo négligé. En roulant, la machine de BB grince, craque, crie, se plaint! Une après-midi, BB est passé chez moi pour que je règle un petit bruit que faisait son vélo (Surprise, Surprise). En prenant le vélo pour le monter sur le pied, mes mains furent du coup complètement noires de graisse et Dieu sait quoi d’autre! Sur le vélo, on pouvait distinguer un petit bout de couleur bleue à la forme de mes mains. Je tourne les manivelles de son triple et passe les pignons derrière un par un. La cassette tournait, mais pas rond, les vitesses changeaient, mais à contrecœur. Il y avait un bruit, mais un bruit que je n’avais jamais entendu auparavant. J’arrive au plus grand pignon et tout d’un coup, celui-ci se sépare du corps de la cassette et se libère complètement du mouvement de cette dernière! Il était simplement suspendu là.

Stupéfait, je demande à BB où il était allé dernièrement avec un vélo dans un tel état? Il me dit que le jour d’avant, il avait fait la Combe d’Hérens!!! Je lui ai dit que je règlerais son vélo de temps en temps, mais il fallait venir avec un vélo propre! Ou du moins, moins dégueulasse. Peu importe pour BB, il ne fait pas de cas, ne se pose pas questions, il n’est pas complexé!  

« Il ne faut pas se poser de questions, ne pas faire de cas, ne pas être complexé, il faut juste s’entraîner, s’entraîner et s’entraîner encore! »

BB a changé depuis. Il est toujours exceptionnel, même plus qu’avant. Il s’est pris un beau vélo, léger, des chaussures spécifiques pour la route, avec des semelles en carbone. Ses vêtements de vélo vont ensemble et son casque, sans visière, est léger et moderne. Ses chaussettes, spécifiques pour vélo, sont plus courtes et ses jambes proprement rasées. Il fait belle figure sur son vélo et il s’entraîne autant, si pas plus. Il fait toujours ses trajets au travail aller et retour avec son vélo lourd, et il descend toujours avec la doudoune en cas de froid. Il a appris ce qu’est le vélo et je pense au fond de moi qu’il l’apprécie plus pour ce qu’il peut être: pas seulement comme outil d’entraînement mais aussi pour son aspect esthétique, une belle machine, propre, qui est à la bonne taille et qui ne  fait pas de bruit. Les jambes qui semblent plus affutées qu’elles ne sont car elles sont bien rasées et bronzées. La machine et le corps en toute harmonie. Mais honnêtement, ça lui est égal. BB ne fait pas de cas, ne se pose pas de questions, il n’est pas complexé ! Billy, c’est un exemple pour moi et doit être un exemple pour tous les cyclistes : Il ne faut pas se poser de questions, ne pas faire de cas, ne pas être complexé, il faut juste s’entraîner, s’entraîner et s’entraîner encore !

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