En prenant le train l’autre jour, j’ai croisé un autre cycliste, qui débarquait avec son Brompton pliable. Clic-clac, en moins temps qu’il ne m’a fallu pour écrire ces premières phrases son engin était monté. Et il est parti, vêtu de deux réflecteurs jaune-fluo aux jambes, d’un gilet tout aussi jaune et de son casque. Nous étions en plein jour et les réflecteurs me paraissaient superflus. Mais bon, c’est pour la sécurité, hein? Comme le casque.
Cela m’a aussitôt fait penser à ce communiqué de la police cantonale vaudoise “Un véhicule percute une cycliste à Coppet”, diffusé le vendredi 4 octobre 2013. On y apprend qu’une “automobiliste a violemment heurté une cycliste dans un carrefour de Coppet. Grièvement blessée, la cycliste a été héliportée aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Le pronostic vital est engagé.”
C’est la faute de la victime?
Sur les circonstances exactes de l’accident et les éventuelles responsabilités, rien. Il est rare que la police s’engage sur ce terrain dans un communiqué de presse, l’enquête devant suivre son cours. “Les enquêteurs de la Police cantonale vaudoise procèdent aux investigations pour déterminer les causes de l’accident.” Le seul élément concret concerne la tenue de la cycliste: “La victime, qui ne portait pas de casque, souffre de graves blessures à la tête.” Le lecteur moyen en déduira comme un grand que c’est bien de sa faute si cette Brésilienne de 26 ans a été si durement atteinte. Si elle ne porte pas de casque, il est normal qu’elle se fasse renverser, non? Non, car en 2013, il n’est plus normal que la mobilité soit encore à ce point auto-centrée qu’il faille par tous les moyens se protéger personnellement des voitures.
Ces deux cas (le cycliste “sapin de Noël” et la malheureuse accidentée) illustrent pourtant une même réalité: nos villes, villages, rues et routes sont totalement inadaptés à la circulation en toute sécurité des cyclistes. On y est en danger ou on s’y sent en danger, ce qui est tout aussi dissuasif. Les cyclistes se sentent obligés de se déguiser en panneaux lumineux pour qu’on les voie et, peut-être, les évite. Et les promoteurs du casque obligatoire pour tous ne manquent pas une occasion de se manifester. Parfois il s’agit même des fabricants d’automobiles, souvent les clubs d’automobilistes, comme le TCS, qui assurent la promotion du casque pour les cyclistes alors qu’un casque intégral en voiture serait tout aussi, sinon davantage, utile.
Loin de moi l’idée de nier l’utilité du casque. J’en porte un depuis longtemps à VTT, en vélo de route, en cyclocross et même à skis. En fait, à chaque fois que le risque objectif d’une chute est important. Sur le chemin du travail, non. Objectivement, je ne risque pas – par ma propore faute – davantage une chute qu’en marchant. Mais je risque de me faire renverser, ça oui. Et j’admets que dans la circulation de tous le jours, le casque peut être utile. Mais il ne devrait pas l’être, car s’il l’est, c’est bien en raison du trafic motorisé.
Davantage de cyclistes = moins de morts
Les pays qui comptent le plus de cyclistes et de kilomètres parcours à vélo, comme les Pays-Bas ou le Danemark, sont aussi ceux qui comptent le moins d’accidents mortels chez les cyclistes. Et le port du casque n’y est de loin pas une généralité. Les Danois parcourent plus de 900 kilomètres à vélo par personne et par an. Leur pays est beaucoup plus sûr pour les cyclistes que le Portugal, dont les habitant parcourent 30 km par an à vélo.
Comment est-ce possible?
Les infrastructures pensées pour les cyclistes les protègent des autres usagers de la route.
Le grand nombre de cyclistes les rend plus “visibles” et les usagers de la route sont plus sensibles à leur présence. Plus il y a de cyclistes, plus la probabilité est grande que les automobilistes soient aussi cyclistes.
Le casque n’est pas obligatoire. Là où c’est le cas, il décourage les gens de circuler à vélo. Moins de cyclistes, c’est davantage de danger pour ceux qui restent.
L’augmentation du nombre de cyclistes incite aussi les autorités à prévoir davantage d’aménagements. Oui, ce sont aussi des électeurs.
Ainsi, penser que davantage de vélos sur la route résulterait en davantage d’accidents est une erreur. C’est tout le contraire et l’organisation britannique CTC le résume assez bien dans son document “Safety in numbers”
Obtenir que davantage de monde prenne un vélo plutôt que sa voiture rendra les routes plus sûres, les gens en meilleure santé et réduira les risques pour chacun. C’est aux autorités locales et au gouvernement de jouer leur rôle en rendant les routes et les rues plus sûres et à poursuivant les politiques pour y parvenir. Nul besoin pour cela de réinventer la roue (facile…), il suffit d’aller observer ce qui se fait ailleurs, comme au Danemark ou aux Pays-Bas. Le site Copenhagenize.com a édité toute une série de vidéos sur les mesures qui ont permis de faire de Copenhague, une ville tout autant congestionnée par les automobiles que les autres il y a encore 40 ans, une capitale exemplaire pour l’usage de la bicyclette au quotidien.
Dans l’intervalle, chez nous, les cyclistes ont en effet intérêt à s’habiller comme des sapins de Noël. La route est un endroit trop dangereux pour des gens normaux.
La même piste cyclable plus haut, mais en hiver. Une piste cyclable c’est bien. Déneigée, ce serait encore mieux, plus utile surtout.
Quelques règles simples utilisées au Danemark
Le guide de planification de Copenhaguenize: pas de séparation entre cyclistes et trafic motorisé de 10 à 30 km/h. 40 km/h: bandes cyclables peintes. 50-60 km/h: voies séparées par une bordure. 70-130 km/h: voies totalement séparées.