C’est quelques kilomètres à peine après Fully, entre Dorénaz et Collonges, que je me suis senti en vacances. Au soleil le long du Rhône, l’odeur du foin fraîchement coupé caressait mes narines et moi les pédales. Avec Caroline, nous étions partis pour trois jours d’itinérance en vélos «gravel» qu’il faudrait traduire par «passe-partout» plutôt que «gravier», avec pour «mission» de rendre visite à ma cousine Béatrice, à Lobsigen, dans le canton de Berne. Avec l’idée aussi de dire bonjour à un petit chaton que nous adopterons peut-être à la fin de l’été.

Dimanche: Fully – Rougemont
Ce fut donc court (trois jours). Mais beau et sportif d’entrée, avec la colline du Châtel en amuse-bouche de la première étape entre Fully et Rougemont. Une petite mise en jambes avant la très jolie remontée sur la route de Sublin, le long de l’Avançon, jusqu’à La Peuffeyre. Et là, mes amis, c’est un mur qui se dresse devant nous, avec un peu moins d’un kilomètre et demi pour gagner 170 mètres de dénivelé, avec des passages à 24% jusqu’aux Posses, sur la route de Gryon. Très rude avec les vélos chargés de bagages, même minimaux.



La fameuse boulangerie Charlet de Barboleuse étant fermée, nous poursuivons sans plus attendre en direction de Taveyanne, un magnifique hameau-alpage, niché dans sa prairie verdoyante au pied de La Chaux-Ronde et de la Pointe de l’Arpille.

Après quelques hectomètres sur la route du col de la Croix, juste assez pour nous souvenir que nous sommes mieux sur les petits chemins qu’au milieu des autos et motos vrombissantes, nous reprenons une route forestière qui a connu des jours meilleurs par le Fond de Culan jusqu’aux Diablerets. Ça tape un peu, mais nos vélos en ont vu d’autres et nous n’aurons aucun problème mécanique à déplorer durant ces trois jours. Pour ce qui est de l’électronique, c’est une autre histoire et j’y reviendrai.



Après un repas revigorant à la très bonne Auberge de La Poste (excellent rapport qualité-prix, service sympathique et efficace), c’est reparti en direction du col du Pillon, en évitant tant que faire se peut la route principale. Pour la descente sur Gsteig, il n’y a pas le choix. Il n’y a qu’une route et ce n’est qu’après Feutersoey que nous pouvons quitter l’axe principal pour rejoindre un petit chemin bucolique, avant de retrouver l’axe cyclable jusqu’à Gstaad et Saanen. Nous poursuivons jusqu’à Rougemont le long de la rivière, en faux-plat descendant et au calme. Pour la nuit, nous profitons des prix cassés du dimanche soir à l’Hôtel de Rougemont & Spa, un quatre étoiles ma foi bien agréable…


Lundi: Rougemont – Lobsigen
La nuit fut à la hauteur du nombre d’étoiles de notre hôtel et nous reprenons la route en direction de Lobsigen, par le col du Mittelberg et l’Euschelspass, en étant bien nourris et reposés. Heureusement…

Heureusement, car c’est après quelques mètres seulement que je constate que mon dérailleur arrière (Shimano Ultegra Di2) refuse tout service, au contraire de son collègue à l’avant. Rien n’y fait et je me résigne à passer la journée en «dual speed» avec le choix entre le 50×27 et le 34×27, ce qui est à la limite de l’acceptable devant les bosses qui attendent nos vélos chargés
Le col du Mittelberg pour commencer, qui relie le Pays d’Enhaut au village fribourgeois de Jaun. Dans mes très lointains souvenirs (et dans l’autre sens) d’un brevet des Alpes vaudoises par une journée pluvieuse, c’était un petit col assez facile, sur une jolie route forestière. Un dernier point exact, mais la pente est plus sévère que dans ma tête… surtout avec le vélo chargé et un dérailleur bloqué sur le troisième pignon. Mais ça passe plutôt bien dans la fraîcheur du matin. La descente sur Jaun est très belle aussi, surtout dans les alpages sommitaux.

À Jaun, nous ignorons le col éponyme pour éviter la circulation sur cet axe très fréquenté et préférons nous lancer à l’assaut de l’Euschelspass. Une bien belle découverte, surtout en montant depuis Jaun, car la route est goudronnée et certes pentue, mais avec des pourcentages acceptables. Sur l’autre versant, en direction de Schwarzsee, c’est du chemin 4×4 pur gravel, juste agrémenté de quelques plaques de béton par endroit. C’est non sans une pointe de soulagement que nous franchissons en descente quelques raidards que nous n’aurions pas appréciés à la montée. Bon choix d’itinéraire 😉



À Schwarzsee nous rejoignons la route principale, avec l’une ou l’autre variante gravel, avant de sillonner la campagne fribourgeois, puis bernoise pour un petit crochet à Oberried, chez notre ami Thomas, Thömu, Bingelli, fondateur et patron de la marque de cycles suisses Thömus.
Le temps de décaler une séance d’une quinzaine de minutes, il nous installe autour d’un plat de pâtes bienvenu et qui nous facilitera les quelque 25 derniers kilomètres jusqu’à Lobsigen. Au-delà des montagnes, la Suisse et sa campagne sont belles et nous ne boudons pas notre plaisir sur les chemins agricoles en beau gravier bien roulant alternant avec les passages en sous-bois. Rougemont paraît déjà loin et cette journée est aussi marquante par sa variété.






Mardi: Lobsigen – Fully
Après deux jours de beau temps, le journée s’annonce plus arrosée pour la plus longue étape, en kilomètres (150 environ), de ce petit voyage en Suisse.
Nous quittons Béatrice, Simon son mari, leurs enfants et la famille de petits chats (dont celui qui rejoindra peut-être Fully en août, puisque lui rendre visite était le but du voyage) sous la pluie.
Autre petite surprise encore moins agréable: le dérailleur arrière, qui s’était remis à fonctionner la veille, refuse à nouveau tout service et c’est sur le pignon de 17 dents que je passerai la journée jusqu’à Fully.

La pluie s’intensifie rapidement et nous profitons d’un distributeur de sachets pour déjections canines pour emballer nos pieds et les chaussures, notre naturel optimiste nous ayant fait renoncer à l’équipement complet de pluie, dont les couvre-chaussures. Cela ne fonctionne pas trop mal, même si au fil des kilomètres, l’eau finit toujours par se frayer un passage.


Les nuages se font toutefois moins menaçants et retiennent leur eau une bonne partie de la journée. Nous longeons le lac de Morat, entrons à Avenches par la campagne, même si nous avons renoncé à l’itinéraire «gravel» original, décidément trop salissant par ce temps, pour nous concentrer sur les voies officiellement balisées par la fondation Suisse Mobile, toujours remarquables.



Ces dernières ne nous tiennent toutefois pas à l’écart de certains secteurs gravel, comme celui qui nous fait éviter Payerne par Montagny-la-Ville. Nous sommes sur un itinéraire «bleu» de Suisse Mobile, en principe plutôt typé «route». Cela nous convient très bien avec nos vélos, mais on peut être surpris avec une monture moins adaptée au terrain non asphalté.

Nous improvisons encore un peu pour éviter le détour par Romont et rejoignons la voie nationale numéro 9 en direction de Châtel-Saint-Denis où nous sommes accueillis par un déluge qui achève de tremper tout ce qui n’est pas sous ma veste de pluie, diablement efficace, elle (mais pleine de PFAS, malheureusement). Un distributeur de chocolats, puis une pizzeria, nous offrent pause et un peu de chaleur avant la descente sur Montreux, par Blonay pour éviter le détour de Vevey proposé par l’itinéraire officiel, que nous connaissons déjà.

L’arrivée à Villeneuve, puis la plaine du Rhône, coïncide avec le retour à un temps sec et un agréable vent favorable qui nous poussera jusqu’à la maison par des routes et chemins que nos connaissons bien. Point de découverte ici, mais un retour en douceur bienvenu.
L’histoire moins drôle du dérailleur électronique
Une demi-journée bloqué sur le 27 dents, une journée complète sur le 17, sans savoir ce qu’il se passe et surtout, sans pouvoir régler le problème, par essence invisible. La batterie est chargée, alors quoi? J’étais déjà resté en rade de dérailleur avant pour voir oublié de charger la batterie du Di2, mais là c’est l’arrière qui ne fonctionait plus.
Arrivé à la maison, au calme, je lance l’application e-tube de Shimano pour voir ce qui dysfonctionne. Il semblerait que le problème ne soit pas dans le dérailleur, mais dans le levier de droite, qui ne se connecte même pas à l’application.
Il faudra encore patienter quelques jours pour obtenir un retour de l’atelier, où un mécano signale qu’il s’agit probablement d’un problème avec la batterie du levier, dont j’ignorais jusqu’à l’existence, pensant naïvement que la batterie principale du Di2, qui alimente les dérailleurs, se chargeait aussi des leviers. Que nenni, il y a bien une pile bouton de type CR 1632, qui a donc tenu plus de 3 ans avant de rendre l’âme.
Du coup je ne sais pas ce qui est mieux: le système Shimano avec une recharge de la batterie alimentant les dérailleurs qui suffit pour 1500 kilomètres environ et celle des leviers qui tient trois ans, au point que l’on oublie la principale et celle des leviers (pour autant que l’on sache qu’il y en a une dans chaque manette), ou celui de SRAM qu’il faut recharger beaucoup plus fréquemment et dont le fonctionnement sans-fil nous rappelle que les leviers comptent forcément une alimentation électrique? Pour un vélo de voyage, ma réponse est claire: aucun des deux et je vais de ce pas installer un groupe 100% mécanique, dont les problèmes sont visibles et facilement réparables, parfois même en roulant. Simple, basique, efficace.
Un précédent avec SRAM
Ce dernier épisode en date n’est pas sans me rappeler la petite mésaventure avec un système SRAM sur le VTT de Caroline lors d’un récent séjour en Espagne. Ses plus petites vitesses «graillent» et passaient mal. «On va régler ça avant les prochaines grosses montées», lui dis-je. Mais comment? Quelle est la combinaison de touches magiques, ou quel appui prolongé sur quel bouton pour entrer dans le mode de microréglage du dérailleur? Aucune idée.
«Attends, je peux me connecter au système avec l’application sur mon iPhone», me glisse-t-elle. On arrive sur le menu «microréglage», qui est grisé et non disponible… Une mise à jour plus tard (merci le pack de données à l’étranger, sinon c’était mort), le menu s’affiche et nous pouvons régler le dérailleur. Et repartir quinze minutes plus tard, après une opération que l‘on réalise en roulant avec un système mécanique. Vive le progrès!
Ce qui est drôle dans cette histoire, c’est que le matin même de mon problème de dérailleur, j’avais parcouru cet article de Tristan Nitot, Low Tech et vélo où l’on peut lire:
Dans la conversation à Massy, on a abordé les cas où il y avait — pour nous — trop de technologie, par exemple les dérailleurs électriques Shimano Di2 qu’il faut recharger régulièrement. Chez le fabricant SRAM, il y en a même qui sont sans fil (donc 2 batteries à recharger). Il n’y a eu personne dans l’assistance pour défendre un tel système, mais j’ai déjà croisé des sportifs qui ne juraient que par lui.
En lisant cela (sur le même sujet, je vous conseille aussi le Petit manifeste low-tech de Ploum), je m’étais dit que le Di2 était un «cas limite», tant il avait toujours bien fonctionné pour moi. Lors d’un voyage entre la Suisse et la Suède, j’avais même pu recharger la batterie avec une simple «powerbank». Cela restait acceptable, même si je me disais je ne partirais pas dans une exploration au long cours avec un système électronique.
Je le pensais. Aujourd’hui j’en suis certain.
Afin de relativiser mes déboires avec le levier Di2, ou plutôt sa pile, je suis allé voir le journal de maintenance (une fonction vraiment appréciable et appréciée de Ride with GPS) de mon vélo. Cette petite pile a tout de même tenu plus de 3 ans et 26000 kilomètres. Sa voisine de la manette de gauche est encore bonne.
Maitenant que je sais qu’il y a une pile à cet endroit, je vais essayer d’y être attentif et poser une rappel dans mon calendrier dans 3 ans 😉
Cela ne change rien non plus à la conclusion de l’article: pas d’électronique sur le vélo de voyge. Et des leviers à friction si possible, comme Oook le conseille ici sur Mastodon.