Une boucle de quelque 210 kilomètres par Girona et Rupit, sur des chemins gravel et parfois un peu (trop) VTT.
Cela fait des années que nous passons des vacances au nord de la Catalogne, dans la région de l’Alt Empordà, connue pour la ville de Figueres, les plages de Roses ou les villages comme Cadaquès qui ont inspiré Salvador Dalì, l’artiste le plus renommé de ce coin de pays.
Il se trouve que c’est aussi un paradis de cyclosportif et nous y sommes déjà venus souvent avec nos VTT, vélos de route et aujourd’hui le plus souvent en gravel. Les routes sont belles, les pentes de cols point trop rudes, ni trop longues. Un endroit idéal pour le début de saison et aligner quelques kilomètres au soleil et ce d’autant plus facilement que les automobilistes locaux témoignent un respect absolu aux personnes à vélo, doublant toujours bien au large après avoir ralenti et, en ville, cédant souvent la priorité d’un geste de la main, avec le sourire. On s’y habitue assez vite, même si au début on peine à y croire. Et c’est tellement vrai que l’on peut s’amuser à deviner si la voiture qui nous double est conduite par un Espagnol ou un touriste, sans risque de se tromper ou presque (et en Suisse, le Conseil fédéral estime qu’il est trop compliqué d’introduire dans la loi une distance latérale minimale lors de dépassements de cyclistes…).
Bref, toujours est-il que nous aimons rouler en Catalogne et avons décidé en ce début de mois d’octobre 2023 de nous éloigner un peu de notre base d’Empuriabrava pour aller explorer l’intérieur du pays en direction de Girona et un peu plus loin. Jusqu’à Rupit. Le tour à VTT préféré de Lachlan Morton passant par ce village médiéval très bien conservé (un peu trop même), je me disais que cela pouvait être un objectif sympa.
La première journée s’annonçait facile et elle le fut, sauf pour Caroline, malade. Les premiers kilomètres dans la réserve d’Aiguamolls d’Empordà sont bien roulants, en suivant les belles pistes cyclables. Le gravier est fin et cela se «gâte» un peu lorsqu’il s’agit de couper à travers la campagne et les collines en direction de Girona.
Rien d’insurmontable toutefois et avant d’arriver dans cette ville où de nombreux cyclistes professionnels et moins professionnels ont établi leur camp de base, on suit la piste cyclable le long du fleuve Ter. Elle prend même la forme d’un petit sentier au bord de l’eau pour nous déposer délicatement à l’entrée de la vieille ville. Il ne nous reste plus qu’à dénicher (c’est facile) la Fàbrica, le café cyclo local, pour une bière fraîche (toujours) bien méritée.
Encore une fois, grâce aux aménagements cyclables omniprésents, au flegme des automobilistes et aussi grâce à Komoot, on quitte le centre-ville en trois coups de pédale, avant de nous retrouver à nouveau sur un petit sentier en bord de rivière. Nous croisons quelques promeneurs avant de rejoindre la voie verte en direction d’Olot. Nous la quittons brièvement en raison d’une route barrée pour des travaux forestiers. Notre détour emprunte un chemin assez raide, mais goudronnné, à la montée et une piste toujours assez raide, mais caillouteuse cette fois, à la descente.
Cela ne suffira pas pour éviter complètement les coupes de bois, qui s’étalent sur quelques kilomètres et il faudra négocier un peu avec les bûcherons pour qu’ils nous cèdent le passage. Il n’y a pas de pont sur la rivière et la perspective de rebrousser chemin jusqu’à Girona ne nous enchante en effet guère. Nous pouvons poursuivre et poursuivons en retrouvant la voie verte qui relie Girona à Olot sur une ancienne voie de chemin de fer, désaffectée en 1969 déjà. Certainement dommage, mais à vélo, c’est superbe. La pente est très douce et le revêtement en gravier facilite le voyage.
Après un petit casse-croûte à San Feliu de Pallerols, nous entamons la montée vers Rupit, sur ce que Komoot pensait être un chemin (ou alors l’ai-je mal aiguillé). Il s’avère très raide et peu roulant. Certainement très beau à VTT, mais pas avec des gravel chargés de bagages. Nous rejoignons toutefois la route qui mène à Rupit et décidons de poursuivre sur l’asphalte au prix de quelques kilomètres supplémentaires, mais bien plus faciles. Au col de Condreu il n’y a plus qu’à se laisser glisser vers Rupit, qui s’avère être un haut lieu touristique prêt à accueillir des hordes de visiteurs et les cars de tourisme qui les transportent. Un beau village, certes, mais un peu trop policé, et propre sur lui, certainement moins authentique que d’autres bourgades de la région.
Nous avions envisagé de passer la nuit ici et de retourner vers Girona par un autre chemin le lendemain. Nous changeons d’idée et décidons de pousser jusqu’à Olot, une ville plus importante. Cela nous permettra peut-être de rentrer ensuite en un seul jour à Empuriabrava.
Pour rejoindre Olot, deux options: remonter au col de Condreu par la route et reprendre la voie verte à San Feliu de Pallelrols, ou emprunter un « raccourci » par un ancien chemin historique, certainement moins roulant sur les 2,6 km décrits comme «sentier». Va pour le raccourci. Le chemin, rappelle par moment celui des Diligences entre Vernayaz et Salvan. Mais il est plus raide et beaucoup, beaucoup moins roulant et semble réunir toutes les pierres dont la montagne ne voulait pas en son sommet. C’est un exercice d’audace et d’équilibre permanent à faible vitesse, aussi pour préserver roues et pneumatiques. Ces deux kilomètres et demi seront très longs, mais nous n’en apprécions que davantage de retrouver la voie verte qui nous emmène facilement, en légère descente et vent favorable, jusqu’au centre d’Olot.
Troisième et dernier jour de ce petit « gravel trip » dans les montagnes catalanes. Après un départ en descente pour quitter Olot, l’itinéraire sillonne la campagne, riche en cités médiévales, églises et pont de pierre sur les rivières, malheureusement bien sèches en ce mois d’octobre 2023. Nous quittons encore une voie verte pour nous diriger vers la montagne. Nous avons en effet décidé que nous allions tenter de rejoindre Albanya, de l’autre côté du col de Riu (j’ai découvert son nom au sommet), mais surtout le long de la Muga, le fleuve qui se jette dans la mer à Empuriabrava. Une voie verte, que nous avions empruntée en remontant la rivière au printemps dernier, le longe sur une quarantaine de kilomètres jusqu’à la mer et nous promet un retour pas trop compliqué jusqu’à la «maison».
Mais avant cela, il faut franchir le col de Riu. Les premiers kilomètres sont superbes, dans une gorge spectaculaire aux falaises prisées des amateurs d’escalade que nous observons un moment. La suite s’avère encore une fois davantage adaptée aux petits développements et aux gros pneus d’un VTT qu’à nos gravels chargés de bagages (limités certes, mais tout de même). Ce chemin 4×4 m’évoque un mélange entre la route de Jeur Brûlée, à Fully, et celle de la «Face Nord» de Saillon. La pente se dresse par moment à 20% et l’adhérence de mes pneus en 38 mm trouve ses limites dans le gravier fuyant de ce chemin traçant sa voie entre forêts de châtaigniers et de pins.
Après la bascule, à 990 m d’altitude tout de même, les premiers kilomètres ne sont guère rassurants et en tous cas pas reposants. La piste est cassante, mais se transforme heureusement assez rapidement en route bétonnée, toujours étroite, mais bétonnée, et la longue descente vers Albanya est un vrai plaisir. Comme la bière et le hamburger dans ce paisible petit village.
A Sant Llorenç de la Muga nous retrouvons aussi avec plaisir la voie verte que nous suivrons presque intégralement (une petite variante vers Cabanes mise à part) jusqu’à Empuria. A la sortie de Sant Llorenç, elle s’élève brièvement pour longer le lac artificiel de Darnius/Boadella, désespérément sec lui aussi. Un ancien village, normalement immergé, se rappelle au souvenir de chacun, comme la triste vérité de la sécheresse. Une préoccupation vite oubliée par les simples touristes que nous sommes et qui partagent encore une bière fraîche deux heures plus tard sur la plage après une boucle en tous points mémorable.