C’est toujours l’un des magazines (avec celui de l’ATE et Rouleur) que je me réjouis de découvrir dans ma boîte aux lettres et le dernier numéro de PRO VELO info ne fait pas exception.
Placé sous le signe des «Cyclistes et les autres», il donne notamment à parole à Jean-Bernard Chassot, directeur de la Fédération romande des écoles de conduite. Le titre «Apprendre à partager» donne le ton et je le verrais mieux dans le journal du TCS adressé à une population d’automobilistes.
M. Chassot attend des cyclistes qu’ils prennent des cours de vélo durant toute leur vie, que les enfants attendent de recevoir leur «permis de circuler à vélo», qu’ils se «mettent suffisamment à droite pour faciliter le dépassement» et qu’ils utilisent les infrastructures pour les cyclistes.
En résumé et en raccourci: que les cyclistes n’empêchent pas trop les automobilistes de circuler sur la route qu’ils devraient «partager». Non, parce que, en général, c’est celui qui a l’entier du gâteau qui partage, pas celui qui n’en a pas. Si vous regardez la place que prend une auto sur la route, on voit bien qui tient la grosse tranche de tarte dans ses mains.
Quelques points en détail.
Pour M. Chassot, apprendre à pédaler toute sa vie devient «essentiel» en raison de l’attrait croissant pour les vélos électriques. «On se rend compte qu’il y a toujours plus d’accidents, car un vélo électrique, cela surprend, autant un·e autre cycliste qu’un·e automobiliste.» Je suis donc assez heureux d’apprendre que M. Chassot, avec l’attrait croissant pour des voitures toujours plus lourdes et rapides, soutient une formation continue des automobiliste avec un permis renouvelable à intervalle régulier. Chiche?
Le directeur de la FREC attend donc aussi des cyclistes qu’ils se «mettent suffisamment à droite pour faciliter le dépassement». Aucun problème, sauf que le cycliste se mettra aussi à droite que possible, mais aussi loin du bord de la chaussée que nécessaire, ce dernier étant le plus souvent sale et encombré de bouches d’égout ou de tas de neige en hiver. Et je pourrais suggérer un astuce à M. Chassot: apprenez aux automobilistes à doubler un cycliste comme un tracteur en vous déportant sur la voie opposée de la chaussée. Et si ce n’est pas possible, on attend, comme le font très bien les Catalans.
Dernier grief de M. Chassot. Les cyclistes n’emprunteraient pas les aménagements qui leur sont destinés: «Le réseau routier va s’améliorer […] on va voir davantage d’infrastructures pour les cyclistes. Encore faut-il qu’ils les utilisent», explique-t-il en songeant aux voies agricoles qui sont parfois boudées. Alors c’est assez simple dans mon cas: à Fully les routes agricoles sont INTERDITES aux vélos, sous prétexte de danger pour les cyclistes pouvant être surpris par un agriculteur sortant de son champ avec un tracteur. Je n’invente rien.
Toujours sur le même sujet, le directeur de la FREC déplore que les cyclistes ne devraient pas être trop pressés et réfléchir à «l’itinéraire le plus sûr avant de partir» et accepter de perdre « quelques secondes ». Mais pour un automobiliste «perdre quelques secondes» derrière un cycliste avant de doubler en toute sécurité, c’est surhumain. «Je préfère un·e cycliste qui me dira qu’il·elle a fait X heures de vélo, plutôt que X kilomètres», ajoute M. Chassot. «Ah, vous avez mis 30 minutes pour aller faire vos courses à 4km, bravo!»
Il semble lui échapper que l’on peut circuler à vélo dans un autre contexte que celui des loisirs et que l’on n’a pas toujours le choix de son itinéraire. En juillet dernier, j’ai entrepris un voyage à vélo entre le Valais et la Catalogne. Évidemment que j’ai soigné l’itinéraire et privilégiée les voies vertes français aux routes départementales et surtout nationales. Mais lorsque je prends mon vélo pour me rendre au travail ou à l’école, pour aller faire mes courses, je suis bien obligé de prendre les routes existantes (en évitant soigneusement les routes agricoles interdites aux cyclistes). Et j’ai aussi le droit de vouloir prendre le chemin le plus direct possible pour arriver à destination. Pourquoi ne pas demander aux automobilistes, qui disposent de la clim en été, du chauffage en hiver et d’un autoradio de faire un détour (ou de patienter quelques seconde derrière un cycliste) plutôt que de l’exiger des cyclistes à qui cela demande un effort bien plus conséquent?
Sinon, l’endroit le plus sûr pour circuler en automobile est l’autoroute. On pourrait aussi demander aux automobilistes d’y rester pour «faire de la voiture».