C’est dingue, il y a des fois où je suis l’homme invisible. En général, c’est sur un vélo. Je vous jure, certains automobilistes ne me voient pas. Ou alors, et c’est pire, ils font comme si je n’étais pas là.
Au début, c’était pas facile. Je savais pas que j’étais invisible. Donc je faisais pas gaffe. J’étais tout surpris quand les voitures me coupaient la route dans les giratoires, me doublaient à dix centimètres des pédales avant de tourner à droite devant ma roue, ou sortaient de leur place de parc devant mon guidon. Comme l’autre jour dans mon village: un type déboîte tranquillement de sa place alors que je me pointe à quelques mètres. Coup de guidon, coup de frein. Déjà que la rue est en pente, ça énerve. Puis engueulade – ça tombait bien, sa fenêtre était ouverte – du genre «tu peux pas regarder avant de sortir de ta place? Rogntudju!» Réponse du type, énervé: «T’as qu’à freiner aussi».
Sur le coup ça m’a encore fâché davantage, évidemment. Je pensais avoir droit aux même priorités que les autres usager de la route. Mais passons. Parce que la bonne nouvelle, c’est qu’il m’avait vu. Je ne suis pas invisible! Alors s’il vous plaît, la prochaine fois, quand vous me voyez, faites comme si j’étais là.