Igloo, y es-tu?

Récit d’une journée à construire un igloo dans le Val Ferret avant d’y passer la nuit. (Photo Caroline Faiss)

Mon sac de couchage, un «Mammut» en duvet, est vieux, très vieux, car je l’ai acheté en 1996, avant un voyage hivernal au Canada. Malgré cela, je ne l’avais jamais poussé jusque dans ses derniers retranchements, donné qu’il est pour «confortable» jusqu’à une température de -7 degrés centigrades. Je me souviens de toujours avoir eu trop chaud avec ce duvet.

Lorsque mon épouse Caroline m’a suggéré une nuit en igloo, à construire soi-même au fond du val Ferret, je n’ai donc pas hésité longtemps. Situé à 1600 mètres d’altitude, au milieu des montagnes qui touchent Suisse, France et Italie, le village de La Fouly n’est pas connu pour ses hivers cléments, mais plutôt pour ses vents parfois violents. «Il reste deux places», me confia Caroline en parlant de l’activité «Igloo» mise sur pied par une amie, Christelle, accompagnatrice en moyenne montagne, créatrice et patronne de l’entreprise Aux Confins des Chemins. Deux dernières places, donc, qui tombaient pile-poil pour, enfin, utiliser mon sac de couchage dans son élément: le froid. Avec en prime la perspective d’un week-end en bonne et sympathique compagnie en pleine nature.

Nous nous retrouvons donc au matin du 1er février à La Fouly, avec une douzaine de participant·e·s et la coorganisatrice, Stéphanie Nendaz, de Nova Montagne. Après une petite marche à raquettes le long de la Dranse, dans un paysage hivernal digne du Grand Nord canadien, nous découvrons une petite clairière à la neige fraîche immaculée, à peine parsemée de quelques traces de skieurs.

Après un peu de théorie, avec quelques dessins et schémas, nous nous lançons dans la construction de notre abri pour la nuit. Avec Caroline, sa sœur et son ami, nous prévoyons de dormir à quatre dans le nôtre. Peu rassurés par la visite d’un igloo déjà présent (Christelle et Stéphanie l’ont construit avec des ados lors d’une précédente activité) et à l’entrée trop exiguë pour envisager une sortie urgente, nous voyons grand avec un diamètre intérieur de 2,4m.

Une partie de l’équipe s’active à scier des blocs de neige à la «carrière», une autre transporte les blocs et, avec Sébastien, nous endossons la casquette de constructeurs. Un ingénieur assisté d’un Suédois, ça devrait le faire. Après avoir tous ensemble bien tassé le lieu de l’implantation, nous disposons les premiers blocs de neige, qui s’avère de bonne qualité, malgré une consistance parfois variable.

Les débuts sont poussifs. La circonférence de 7,5 m (si mes calculs sont exacts) est assez importante pour que cela n’avance pas vite… Un léger redoux après la pause de midi rend la neige un peu collante et parfaite pour colmater les brèches et consolider l’empilement des blocs qu’il faut oser incliner suffisamment pour donner sa forme arrondie à l’igloo. Sans tout dévoiler, nous nous aidons «bêtement» d’une cordelette de 1,2 m fixée au centre de l’igloo pour caler la distance et l’inclinaison. Un petit couteau à isolation fait l’affaire pour tailler les blocs avant et après leur pose.

Au fil des heures (nous avons commencé vers 11h), les murs montent bien, nous sommes confiants et le travail en devient presque facile. L’ouvrage est terminé vers 16h, une heure avant l’horaire prévu. Sébastien en profite pour tailler quelques aménagements intérieurs (tables de nuit et tablette pour poser la bougie).

Comme les organisatrices ont annoncé un apéro suivi d’une fondue, nous profitons encore des quelques forces qu’il nous reste pour creuser et tailler table et bancs dans la neige. Ce qui nous tient chaud, car le soleil s’est caché depuis un bon moment derrière le mont Dolent, le sommet que se partagent Suisse, France et Italie, et la température a bien fraîchi. Il devrait faire environ -5 degrés durant la nuit, mais on nous a promis entre 0 et 2 degrés dans l’igloo.

Après la fondue, quelques breuvages du terroir et une balade «didactique» sous les étoiles avec explications des diverses galaxies en lien avec la mythologie grecque (Christelle est intarissable à ce sujet, comme sur d’autres d’ailleurs), il est temps d’aller se coucher.

Nuit étoilée au pied du mont Dolent, qui n’est pas sur la photo de Caroline.

Premier constat: l’igloo que nous pensions «large» en début de construction est suffisant pour loger quatre personnes, à condition de ne pas trop bouger… Le confort est donc tout relatif, mais la fatigue accumulée permet à chacun·e de dormir au moins quelques heures. À part un peu d’eau qui coule dans l’oreille de Caroline, une position légèrement inconfortable et un matelas de sol qui aurait dû être plus épais (c’est presque plus important que le sac de couchage, l’indice d’isolation de R5 c’est le minimum pour l’hiver, mon matelas indique 1,1…), ce fut parfait. Rien à dire sur le sac ni sur la température intérieure ou la solidité de l’igloo.

Le plus difficile fut surtout de s’extraire du sac de couchage au petit matin. Il fait froid dehors, mais il est difficile de retenir plus que de raison les besoins naturels du petit matin. Heureusement, les organisatrices ont prévu un petit déjeuner royal: pain de seigle, tresse, beurre, confiture maison, café et tisanes… Largement de quoi se requinquer avant de remettre le campement en état. Si les igloos peuvent rester, la carrière et la table doivent être rebouchées, trop dangereux pour des skieurs qui pourraient facilement se blesser en chutant dans un gros trou.

Il est déjà l’heure de se quitter. Nous avons côtoyé certaines personnes davantage que d’autres, mais à coup sûr partagé une petite aventure assez unique, nous extrayant de notre «zone de confort» d’abord aussi difficilement que de notre sac de couchage. Mais ensuite avec la conscience d’un «effort» salutaire et d’un plaisir partagé, bien plus important que la satisfaction d’avoir un sac qui «fait le job», malgré son grand âge (ce qui reste aussi une bonne nouvelle).

La photo de groupe par Etienne Kolly.

Alors, merci, Christelle et Stéphanie, pour ces 24 heures de plaisir instructif. Et constructif 😉