Ce soir il y a le gars avec son énorme SUV qui me coupe la route en sortant de la station-service. J’arrivais sur la bande cyclable et ma manœuvre d’évitement a permis d’éviter la collision, mais pas le sac à dos accroché au véhicule. Un hurlement assorti d’un tambourinage plus tard, le gars s’arrête et s’excuse platement: «Désolé, je ne vous ai pas vu, je n’ai pas regardé derrière, c’est la première fois que j’ai ce véhicule, vous n’avez rien, je suis désolé, je peux vous offrir un verre?» Il avait l’avantage d’être honnête et sincère (je crois qu’il tremblait plus que moi), même lorsque je lui ai fait remarquer que c’est à sa gauche qu’il n’avait pas regardé, pas derrière. «Ah oui, vraiment désolé, vous êtes sûr que je ne peux pas vous payer un verre?»
Merci, mais non, et j’ai un train à prendre.
Quelques centaines de mètres plus loin, alors que je remonte (tranquillement, vraiment) une colonne de voitures par la bande cyclable, un énergumène fait mine de bifurquer à droite (à un endroit doublement marqué de ligne jaune et de peinture rouge) et klaxonne alors que je finis de le doubler. J’ai un train à prendre, mais tout de même le temps de lui demander la raison de ce coup de klaxon. «Ça ne va pas de vous jeter devant moi comme ça?» Je lui explique donc la bande cyclable, ma route à moi, la priorité, tout ça. «Mais t’as pas vu le clignotant?» Euh, pas vraiment, j’étais juste à côté de toi (et à droite, pas d’angle mort donc), donc le clignotant n’était pas vraiment visible. Et quand bien même l’eût-il été (je vous rassure, je n’ai pas vraiment parlé ainsi), cela ne te donne pas la priorité. «Comment ça, bien-sûr que si!»
Bref, bonsoir monsieur, j’ai un train à prendre et pas de temps à perdre avec quelqu’un qui devrait repasser son permis. Juste l’impression que le permis devrait effectivement se repasser à intervalles réguliers. Une sorte de formation continue utile à chacun. Ne serait-ce que pour savoir comment prendre un « turbo giratoire », une nouveauté qui nécessite un gros effort de communication de nos autorités. Pas comme les bandes cyclables qui existent depuis longtemps. Mais dont de trop nombreux motorisés se fichent comme de leurs première chemise. Et je ne sais pas ce qui est le pire. Celui qui ne sait pas, vraiment. Ou celui qui s’en fiche, complètement.