[Chronique publiée par Caroline Faiss dans Le Nouvelliste du 6 juillet 2019 – Photo de David Marcu sur Unsplash]
C’est une image en noir et blanc des années d’après-guerre. Trois femmes circulent à vélo sur une route de campagne. Peut-être pour aller travailler leur « portion », peut-être en route pour les « commissions » ou simplement sur le chemin de la maison. Elles pédalent et papotent chemin faisant. Déjà, le vélo était économique, efficace et convivial.
L’une de ces trois femmes était ma grand-maman et je repense souvent à cette image, lorsqu’au petit matin je me mets en chemin à bicyclette. Certains jours, c’est facile. Comme lorsque le soleil se lève sur la plaine du Rhône et que depuis les berges l’on observe les volutes du fleuve qui restitue un peu de chaleur nocturne à l’atmosphère encore fraîche du matin. Tout est calme, le Valais se réveille et le chemin du boulot nous offre une parenthèse, un peu de répit, loin des vrombissements motorisés et de la journée.
De bon matin, surtout en été, lorsque fleuve et canaux dispensent leur bienvenue fraîcheur, on croise aussi les voyageurs à vélo ou les cyclosportifs qui profitent des températures agréables sur cette voie apaisée pour avancer sans crainte de se faire renverser.
D’autres fois, cela peut sembler plus difficile. Lorsqu’il vente, qu’il pleut ou qu’il neige on me dit courageuse, voire un peu fêlée pour apprécier cette parenthèse, ce trait d’union en plein air entre la maison et le boulot. L’intermède est pourtant apaisant et vivifiant à la fois, bon pour le corps et pour l’esprit. Et le manque de confort certainement un luxe quand on l’a choisi.
La difficulté, d’ailleurs, ne réside pas tant dans la distance, la durée de l’effort ou l’hostilité présumée des éléments, mais bien dans le moment où il faut, forcément, revenir se mêler au monde environnant. Aux autos, camions et autre bolides vrombissants. Ces monstres bruyants et aux pilotes inquiétants pour qui vous n’êtes soudain plus qu’un parasite gênant.
C’est pourquoi, de plus en plus souvent, je me prends à rêver d’un Valais plus accueillant, où les pistes cyclables formeraient un réseau entre villes et villages, où circuler à vélo serait simple, sûr et évident. Où faire ses courses, se rendre au travail ou à l’école les cheveux au vent serait un plaisir fréquent.
Mais surtout, pour que nos enfants puissent circuler à vélo, insouciants et en papotant. Comme à l’époque de grand-maman.
Caroline Faiss