Il y a les choses qu’il faut voir pour croire et comprendre. Impossibles à expliquer. Comme le parcours de la Transvésubienne en VTT ou l’ambiance d’un cyclocross en Belgique. «Quand j’essaie de l’expliquer en Suisse, on me dit souvent que j’exagère», sourit le Fulliérain Julien Taramarcaz. De mon côté, ayant notamment vécu un Tour des Flandres (lire par ici «Le jour où je suis devenu un vrai Flandrien») je n’avais aucune peine à le croire sur parole. Mais j’avais envie de vivre ce truc, les pieds dans la boue, une barquette de frites à la main et les hurlements des supporters néerlandophones dans les oreilles.
Le temps d’un week-end «express» en Belgique, combinant une petite visite de Bruxelles promise de longue date à mon fils et le cyclocross «Superprestige» de Hoogstraten, j’ai pu satisfaire toutes ces envies.
Il est ainsi à peine midi lorsque nous rejoignons Hoogstraten, petite ville non loin de la frontière hollandaise. Premier rituel, échanger ses chaussures pour une paire de bottes en caoutchouc. Sage précaution devenue un réflexe pour assister à un cyclocross. L’entrée à 12 euros acquittée (je n’ose pas imaginer combien de personnes assisteraient à un cyclocross en Suisse romande s’il fallait payer l’entrée…) nous rejoignons les quelque 2000 personnes déjà présentes pour la course des femmes. Rituels suivants : une petite mousse, la barquette de frites et, un peu plus tard la «Bradwoerst», saucisse à rôtir accompagnée d’oignons frits à même la roulotte. Je constate au passage qu’il est plus facile de parler anglais que français…
Alors que les femmes tournent encore, la tension monte déjà avant la course des espoirs et le terrain se remplit à vue d’œil. Après la victoire de la Belge Sanne Cant devant Helen Wyman et Jolien Verschueren, les élites s’emparent du parcours pour une ultime reconnaissance et les derniers réglages. L’occasion d’échanger quelques mots avec Julien Taramarcaz qui s’arrête à notre hauteur avec son tout nouveau vélo aux couleurs du champion de Suisse qu’il est depuis quelques semaines. Il semble tranquille après son abandon à Lille (Belgique) la veille (les week-ends sont impitoyables avec les crossmen…) mais redoute tout de même ce parcours difficile à Hoogstraten. «Le terrain est très lourd, il faut toujours appuyer, même sur des tronçons qui ont l’air faciles», explique-t-il.
Le sol est en effet au mieux humide, le plus souvent détrempé. Les petits pièges, naturels comme les franchissements de caniveaux ou les passages dans la boue profonde ne manquent pas. Rien n’est facile et surtout pas ce qui en a l’air… Ce n’est pas Sanne Cant, tombée sur le goudron dans le dernier tour qui dira le contraire.
L’imagination des organisateurs n’est pas en reste non plus pour corser la chose. Les planches sont à 40 centimètres et même un tracteur ne les ferait pas bouger, certaines rampes sont impressionnantes et le bac à sable ferait pâlir d’envie une colonie entière de gamins armés de tracteurs à pédale.
Julien nous laisse pour achever son tour de piste et les U23 s’élancent quelques instants plus tard. La foule devient plus compacte – nous qui la trouvions déjà importante – et les encouragementss plus soutenus. Dit crûment, ça commence à gueuler au passage de certains coureurs. Sur le plan sportif, on assiste à une démonstration du Belge Laurens Sweeck, un coéquipier de Julien chez Corendon-Kwadro, qui repousse le champion du monde Belge Michael Vanthourenhout à cinquante secondes et Diether Sweeck (Corendon-Kwadro) à 1’04″.
En attendant la course des élites, le spectacle est partout pour nos yeux de touristes. Dans les files d’attente pour les frites, auprès des supporters qui recherchent les meilleures places – déjà prises depuis longtemps -, dans les drapeaux qui flottent, dans les familles venues au complet pour ce rituel dominical et dans la boue dont personne ne fait de cas (pas besoin de faire attention avec les bottes en caoutchouc…) Mais l’image la plus marquante reste celle de la foule. Il y a des gens partout, partout, partout. Seules les extrémités «inintéressantes» du circuit sont plus accessibles. Heureusement, des écrans géants permettent de suivre la course comme à la maison…
Improbable et inattendu: alors que je guette le passage des planches, une place se libère vingt bonnes minutes avant le départ. Je m’engouffre dans la brèche, faisant juste un peu de place pour des enfants arrivés juste après et désireux de partager le même point de vue. Aux premières loges donc pour le premier tour avec le champion du monde Mathieu Van der Poel qui passe déjà en tête, et sur le vélo. Comme Julien Taramarcaz à peine plus tard.
Au tour suivant c’est un « bang » monstrueux qui fait se retourner ceux qui regardaient ailleurs. Après avoir franchi la première planche sur le vélo, Marcel Meisen, le coéquipier allemand de Julien, vient tester la solidité de la seconde planche. Cette dernière sort vainqueur de la confrontation et Meisen se relance en quatrième vitesse…
Devant, le Néerlandais Mathieu Van der Poel a tué le suspense d’entrée et fait cavalier seul, précédant le Belge Kevin Pauwels qui guette l’erreur que Van der Poel ne fera pas. Il finira à 20 secondes devant son compatriote Wout Van Aert, revenu en boulet de canon sur un autre Néerlandais, Lars Van Der Haar.
Auteur d’une très belle course, Julien Taramarcaz finira 10e, dans la roue de Marcel Meisen et à quinze misérables secondes de la 7e place. Dixième d’une compétition qui ressemble à un championnat du monde tous les week-ends, c’est un exploit en soi et pas toujours compris à sa juste valeur en Suisse. «A la fin, j’étais cuit», nous confiera-t-il au pied de son bus d’équipe après la course. «C’était dur, mais vous avez bien fait de venir aujourd’hui plutôt qu’hier», s’amuse-t-il.
Nous nous séparons après les félicitations d’usage et ses remerciements pour les encouragements (pas facile de crier aussi fort que des milliers de Belges et Hollandais). La journée s’achève. Ne restent que les baraques à frites, les banderoles et les sillons boueux du parcours qui brillent au soleil couchant. Et quelques bonnes centaines de personnes qui boivent et fument sous la cantine, aussi fatiguées semble-t-il que les champions dont ils célèbrent la victoire ou refont la course autour d’une dernière (?) mousse.
Hoogstraten et son cyclocross, ses cars de supporters et son église que nous ne visiterons pas, c’est fini. Pour les fans de cyclocross, qui préparent déjà le week-end suivant, mais aussi pour nous, qui avons un avion à prendre, des bottes pleines de boue dans les bagages, ultime souvenir qui nous accompagnera jusqu’en Suisse. Avant de revenir un jour, c’est sûr, pour découvrir des cyclocross plus mythiques encore. Koppenbergcross ou Zonhoven, tenez-vous bien, on arrive bientôt!
Le classement du jour
1. Mathieu Van Der Poel (PBS, BKCP-Powerplus) en 1h00’20“
2. Kevin Pauwels (BEL, Sunweb-Napoleon Games) à 20 sec.
3. Wout Van Aert (BEL, Vastgoedservice-Golden Palace) à 37 sec.
4. Lars Van Der Haar (PBS, Giant-Alpecin) à 1’09”
5. Klaas Vantornout (BEL, Sunweb-Napoleon Games) à 1’56“
6. Sven Nys (BEL, Crelan-AA Drink) à 2’11”
7. Tom Meeusen (BEL, Telenet-Fidea) à 2’17“
8. Jens Adams (BEL, Vastgoedservice-Golden Palace) à 2’25”
9. Marcel Meisen (ALL, Corendon-Kwadro) à 2’30“
10. Julien Taramarcaz (SUI, Corendon-Kwadro) à 2’32”Un article sur la course sur Velo101.com