« Les athlètes emportaient ce dont ils avaient besoin pour la course, y compris des chambres à air, par précaution ». Une phrase qui légende la vidéo « Catching the cycling train » sur YouTube. On y découvre l’épreuve de cyclisme des Jeux olympiques de Paris, en 1924, et remportée par Armand Blanchonnet. Et l’on y voit aussi des concurrents prêts à tout. À la crevaison, mais aussi à se faire renverser par le train…
Je me suis alors posé la question suivante : pourquoi cela a-t-il changé ? Qui a décidé qu’il fallait des voitures suiveuses avec des bidons, des roues de rechange, des vélos de rechange et une garde-robe complète pour s’adapter au climat parfois changeant ? Pourquoi faut-il autant de voitures pour faire du vélo ? Des oreillettes, des radios et des télévisions dans ces mêmes voitures ? La modernité dans toute sa splendeur pour des robots pédaleurs.
Dans le même temps, la mode cycliste est au rétro, à la nostalgie des temps héroïques. Celle des forçats, les vrais que rien n’arrêtait, les durs, les grandes gueules, les tronches en lainages, loin des années lycra et de la frime en fluo. Une époque où tout était peut-être plus humain et artisanal. Oui, même ça. Même le dopage.
Certaines marques de vêtements cyclistes, mais aussi des magazines, surfent aujourd’hui sur cette vague rétro qui fait de chacun un héros, son propre héros. La performance importe peu, le plaisir beaucoup. Le but n’est pas important, le chemin pour l’atteindre l’est davantage. Accessoirement, il s’agit aussi de porter les vêtements et lire les magazines en question. Mais c’est peut-être une autre histoire.
Les courses cyclistes elles-mêmes ont bondi sur l’occasion. Avant les grandes classiques flandriennes et ardennaises, le peloton se donne rendez-vous sur les Strade Bianche, en Italie. Des routes de terre et de gravier, sans asphalte. Les pavés transalpins en quelque sorte. Les images sont superbes, avec un nuage de poussière qui vient souligner les courbes des collines — lorsque la pluie ne s’en mêle pas évidemment — sous le ciel toscan, le plus beau du monde disent certains.
Et puis, à l’arrière du peloton, les voitures. Le seul anachronisme. Que font-elles là ? Vous voulez rendre le cyclisme humain, attractif, passionnant ? Commencez par virer ces bagnoles et que chacun se débrouille. Outre le spectacle, j’y vois d’autres avantages. Les fabricants mettront la priorité sur la solidité et la fiabilité du matériel, du cadre au dérailleur, en passant par la fourche, les roues et les pneus. Un pro peut se permettre de gagner quinze grammes sur un pneu et crever. Moi, cela me tend légèrement de payer plus cher du matériel plus fragile. Les bidons ? Au ravitaillement. Les barres énergétiques, les gels ? Idem. Au ravito et dans les poches. Comme les gilets, les vestes, les manchettes. Les coureurs redeviendraient des héros. « Vintage », comme nous.
Joakim Faiss