Disques: ça freine fort et l’hystérie continue

Le cyclisme a toujours aimé la controverse et la discussion autour des freins à disques sur les vélos de route n’est pas près de se calmer avec l’annonce que Peter Sagan pourrait rouler avec des freins à disques sur Paris-Roubaix.

Non qu’il faille disposer d’une puissance de freinage incroyable sur ce terrain plat, mais le montage à disques permet d’avoir un axe traversant, plus rigide, à l’avant et davantage de place pour des pneumatiques de grosse section (meilleure accroche, confort accru et meilleur roulement sur les pavés avec une pression plus basse). Tellement vrai que certains, comme Zdenek Stybar, ont utilisé leur vélo de cyclocross à Paris-Roubaix par le passé.

A peine l’article de Cyclingtips en ligne, que les commentaires se déchaînent à nouveau… Souvent en évoquant les dangers supposés de ces disques, alors qu’il n’est toujours pas prouvé que la blessure de Ventoso ait été causée par un disque. Ce qui paraît par ailleurs assez difficile. Mais les accidents, c’est comme les statistiques, on peut leur faire dire ce qu’on veut.

Exemple donc avec la mésaventure de Fran Ventoso, cycliste professionnel qui s’est entaillé le tibia lors du dernier Paris-Roubaix, la faute au disque de frein d’un concurrent selon lui. Loin de moi l’idée de mettre en doute sa parole, par contre lorsqu’il extrapole sur la possible section d’une jugulaire ou d’une artère fémorale, voire de la jambe totalement sectionnée (“chopp off”), il pousse un peu le bouchon.

Dans la lettre ouverte où il détaille son accident, Ventoso souligne qu’il n’a pas réussi à s’arrêter à temps et qu’il est juste venu toucher le vélo d’un adversaire. Ce qui soulève déjà une question: les disques sont à gauche du vélo et sans talents de contorsionniste, il semble difficile de le toucher à cet endroit avec la jambe gauche et en arrivant depuis l’arrière. Peut-être que l’autre coureur avait fait demi-jour et arrivait en face?

I’ve got to break but I can’t avoid crashing against the rider in front of me, who was also trying not to hit the ones ahead. I didn’t actually fall down: it was only my leg touching the back of his bike. I keep riding.

Donc, il touche le vélo d’un gars devant lui, ne s’aperçoit de rien et repart. Et quelques instants plus tard se rend compte qu’il est blessé à la jambe. Avec une conclusion: il a été découpé par un disque.

Ni une, ni deux, l’UCI suspend l’essai des freins à disque et les interdit dans le peloton (je pensais naïvement qu’un essai servait justement à collecter des données sur une longue période pour prendre une décision au calme). On pourrait saluer la célérité de l’UCI si elle agissait de même à d’autres occasions, lorsque malheureusement des cyclistes dont décédés. Voitures, motos et poteaux au milieu de la route ont fait bien plus de dégâts dans le peloton ces dernières années. Depuis, il a été décidé de reprendre les « essais ».

Après il est certain que le disque peut être dangereux en cas de chute massive, avec des vélos qui volent dans tous les sens loin de moi l’idée de dire le contraire. Mais, dans la balance, il faut aussi mettre les freinages ratés ou mal maîtrisés en raison de jantes et patins trempés par l’orage. Exemple vécu.

Vu comme ça, un disque ça fait peur… Sauf qu’il est normalement attaché à la roue, pas au cadre et pas si facilement accessible. Si on veut se couper à l’horizontale, il faut passer sa jambe à travers la roue… (photo Mao/L’Equipe – cliquer sur l’image pour ouvrir la page)
Après, je pourrais aussi passer mon chemin et me dire que tout cela m’est bien égal. Je ne suis pas pro et même Ventoso est favorable aux disques en dehors du peloton professionnel.

I want to make this clear: I’m so in favor as anyone else that cyclocross professionals or participants in sportives enjoy the advantages of disc brakes during their rides.

Le pire, c’est que les plus violentes critiques des freins à disque viennent de ceux qui ne les ont jamais essayés: «Pas besoin de toute cette puissance», «vous me direz comment avec des roues bloquées sous la pluie» sont en général les arguments avancés. Alors que c’est justement tout le contraire: de la puissance, certes, mais facilement maîtrisable avec une progressivité contrôlée et, surtout, un comportement identique par temps sec, sous la pluie ou dans la neige.

Une photo publiée par Joakim Faiss (@jokef) le

J’ose prétendre que je roule par toutes les météos précitées (avec une préférence pour mon vélo de cyclocross à disques sous la pluie et dans la neige) et le premier «anti-disques» qui me rentre dedans après un freinage raté, je lui fais manger ses patins de freins. Et peut-être sa jante carbone avec.