Xplorer Beast: un engin «révolutionnaire» ou une «bête» aux ailes coupées?

En début de semaine, Le Nouvelliste m’a appelé en marge de la présentation à la presse d’un vélo “révolutionnaire” qui allait équiper Mike Horn au cours de sa prochaine expédition. Je n’avais pas encore vu cet “Xplorer Beast”, mais le journaliste m’a envoyé quelques informations.

En bref, il s’agissait d’un vélo électrique rapide (45 km/h), à gros pneus, équipé d’une grosse batterie (1000 Wh), d’un gros moteur (1000 W), conçu pour récupérer l’énergie du freinage et pour être rechargé par des panneaux solaires. Le constructeur suisse, Miloo, le présentant comme un « E-SUV Bike construit pour être le pus puissant du marché« . Et ce sont bien ces qualificatifs qui m’inquiétaient un peu… Comme tout n’a pas pu être écrit dans Le Nouvelliste, je vais préciser quelque peu ma pensée.

Je ne considère tout d’abord pas que ce vélo soit révolutionnaire, et c’est aussi ce que j’ai dit au journaliste. Ce qui est certain, c’est que ses concepteurs ont bien réussi leur coup marketing. Plusieurs médias établis en ont parlé, dont Le Nouvelliste et la RTS.

Dans les points intéressants, ceux que Le Nouvelliste a gardés, je dirais que, quel que soit le vélo électrique, s’il remplace une voiture, c’est bénéfique à tous points de vue. “Même s’il s’agit d’un ‘gros’ vélo, sa batterie reste 60-70 fois plus petite que celle d’une voiture électrique. L’intérêt de ce genre de modèle du point de vue du développement de la mobilité douce et de l’efficience énergétique reste donc bien réel”, ai-je ainsi déclaré dans Le Nouvelliste.

Pour le reste, qui n’a pas été relevé dans l’article, je reste plus circonspect. L’affirmation, dont la RTS fait d’ailleurs son titre, comme quoi ce vélo serait le premier à récupérer de l’énergie au freinage, est incorrecte. Les vélos Stromer, notamment, le font depuis plusieurs années. La recharge par panneaux solaires, optionnels, pourra servir à Mike Horn ou d’autres aventuriers les jours où ils ne seront pas sur leur vélo, mais je vois mal le pendulaire de base trimbaler des panneaux solaires pour recharger son destrier aux heures de midi. Oui, cela peut augmenter l’autonomie de ce véhicule, mais jusqu’à preuve du contraire, les vélos sont équipés de pédales, qui procurent une autonomie quasi illimitée à l’engin qu’elles propulsent. Alors oui aussi, c’est plus dur de faire avancer un si gros vélo avec la seule force musculaire, mais ça c’est surtout le problème du choix de l’engin au départ.

Un gros vélo. Trop gros?

Au-delà de ces “nouveautés”, limitées ou qui n’en sont pas, le vélo m’interpelle tout de même. Il est gros, très gros même. Sa batterie et son équipement l’emmènent flirter avec les 30 kilos. Ses composants (fourche, freinage, transmission, moteur de vélo cargo) sont de qualité. Mais qui a besoin de tout cela? Il se revendique comme un “SUV” du vélo, “destiné aux ultra-connaisseurs et se compare à des voitures de course de haute technologie”, selon le site internet de Miloo.

“Est-ce que cela représente l’avenir de la mobilité à vélo?” m’a demandé le journaliste. “Plutôt non”, ai-je répondu. Pour moi, le vélo du futur existe déjà depuis longtemps: avec des pédales et sans moteur. Comme l’aurait dit Antoine de Saint-Exupéry, “la perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer”.

Un vélo SUV pour conducteur de SUV

Je ne doute pas un instant que cet “Xplorer Beast” en série limitée trouvera son public, notamment parmi ceux qui se dotent d’un SUV pour explorer la ville où rejoindre leur chalet cossu en “montagne” où un 4×4 léger suffit. Pour rester dans le vélo, ce modèle peut bien sûr faire le job partout. Mais pour le “vélotaffeur” qui avale des kilomètres sur le chemin du travail, on trouve plus léger, maniable, efficace et efficient qu’un vélo à très gros pneus (certes utiles pour circuler parmi des voies de tram). Et sur les sentiers de montagne, un vélo plus léger sera à coup sûr plus efficace et joueur, sans même penser à un éventuel portage.

Et je crois que c’est bien ce qui me dérange le plus avec ce genre de “vélo”: toujours plus gros, plus technologique et imposant. À l’opposé de l’esprit léger d’une bicyclette, le plus efficient des moyens de transport et qui procure par moment cette sensation et plaisir simple de voler… Dommage d’en faire une “bête” à qui l’on couperait les ailes.

(Photo de titre Miloo)