Destination vélo: ce que Majorque peut et doit nous apprendre

En arrivant au col de Sa Batalla, dans les montagnes au nord de l’île de Majorque, je me serais bien arrêté prendre un petit café. Mais quelques dizaines de cyclistes nous avaient précédés et les tables libres étaient inexistantes…

Loin d’être un cas isolé en ce début de mars sur cette île espagnole où chaque bistrot ou presque se fait un honneur d’accueillir les cyclistes, souvent en proposant un « parking » à vélo, ce qui est finalement assez simple vu que l’on case aisément une dizaine de bicyclettes sur un espace qui ne pourrait accueillir qu’une seule auto.

Stationnement à vélo sur la place du village de Campanet.

Fin mars, plus de 7500 cyclistes avaient déjà enregistré cette montée sur Strava.

Pour avoir fréquenté quelques autres destinations prisées des cyclosportifs et cyclotouristes, comme les îles Canaries, la Catalogne ou la côte Adriatique en Italie, je peux affirmer n’avoir jamais, mais alors jamais, vu une telle concentration de deux-roues qu’à Majorque. Pour revenir au col de Sa Batalla, fin mars, plus de 7500 cyclistes (7577 très exactement le 27 mars…) avaient déjà enregistré cette montée sur Strava, cette plateforme qui est devenue le réseau social des cyclistes (entre autres sports).

C’est donc sans compter tous ceux pour qui le chrono importe peu et qui ne sont pas présents sur cette plateforme. Plus de sept mille cyclistes… En trois mois de l’année. «Et encore, vous n’avez rien vu», nous glissait le responsable du «bike center» de l’hôtel au début du mois. «La saison des cyclistes n’a pas encore vraiment commencé…»

La route du Cap de Formentor. Un passage obligé au nord de l’île.

C’est peu dire que Majorque mise sur cette clientèle. Et comme cela fait bien quelques années que les Espagnols s’y sont mis, le Valais a certainement quelques bonnes idées à prendre s’il veut transformer en réalité son ambition de miser sur le vélo pour développer son offre touristique.

La route « miniature » de l’ermitage de Betlem.

1. Les routes et le balisage

Dans la région montagneuse du nord de l’île, routes et paysage sont superbes et les itinéraires sont relativement peu fréquentées par les motorisés, du moins hors-saison touristique « normale ». À l’exception peut-être de la route du Cap de Formentor, mais les cyclistes y seront toujours plus nombreux que les autos, ce qui est plutôt rassurant.

Très fréquentées ou moins courues, les routes sont toutes accompagnées d’une signalisation qui rappelle la présence de cyclistes ainsi que les règles à observer, à savoir de maintenir une distance latérale de 1,5 mètre lorsque l’on double des cyclistes (cette même distance que le Conseil fédéral suisse n’a pas jugé bon de préciser, estimant qu’il n’y avait pas de problèmes et que ce serait de toute manière « impossible » à contrôler…).

Attention aux cyclistes! Ces panneaux sont nombreux et respectés.

« Cela va même plus loin que cela», rappelle un chauffeur de taxi local. «La loi nous oblige à doubler les cyclistes comme s’il s’agissait d’une automobile, donc à nous mettre complètement sur l’autre voie de circulation». Et ça marche. Hormis quelques touristes dans des voitures de location, les automobilistes attendent patiemment que la voie soit libre, même si cela doit durer un peu et que cela se répète (forcément avec les milliers de cyclistes présents sur les routes).

La distance? 1,5 mètre pour doubler des cyclistes, qui peuvent rouler de front…

Mieux encore, certains panneaux présentent même deux cyclistes côte à côte et d’autres précisent lorsqu’il faut se mettre en file indienne.

2. Une carte bien faite

Pour 8 €, nous avons pu acheter une carte de l’île destinée aux cyclistes. Ses codes couleur (vert, jaune, orange, rouge) indiquent la fréquentation plus ou moins importante des routes. Une indication précieuse si vous souhaitez éviter les grands axes et leur circulation importante. Munis de ces indications, nous avons préparé chaque soir la sortie du lendemain sur une plate-forme comme Strava ou Ride with GPS (il faudra que je vous en reparle) avant de charger le fichier GPX sur notre compteur-navigateur GPS. Carte papier et GPS, le meilleur de deux mondes pour des sorties réussies.

Une petite route, dénichée grâce à une carte fort bien faite.

Sur le terrain on trouve même des itinéraires cyclotouristiques vraiment sympas si l’on n’est pas trop pressé, sur des routes pittoresques. Moins adaptées pour faire de la moyenne en peloton, mais c’est une autre histoire, à chacun ses priorités.

3. Des hôtels adaptés

Certains hôtels se sont fait une spécialité de l’accueil des cyclistes, en développant des collaborations avec des tour-opérateurs spécialisés. Même plus généralistes, comme notre établissement de Puerto d’Alcudia, certains autres fournissent tout de même des services bien agréables et utiles: local pour des dizaines de vélos, cadenas, petite boutique de matériel, location de bicyclettes, atelier, zone de lavage, guides…

4. Un accueil soigné

Le cycliste est le bienvenu partout. Cela se voit et se sent. Sur la route, au café du coin, au restaurant, à l’hôtel… Personnel et population locale ont bien compris leur intérêt. Malgré le nombre impressionnant de cyclistes, avec forcément quelques individus peu commodes sur le nombre, jamais nous n’avons senti une quelconque irritation, au contraire de nos contrées où elle se manifeste parfois assez rapidement…

5. Le climat

Pas grand-chose que l’on peut changer chez nous… La météo de Majorque est évidemment plutôt favorable en début et fin de saison. C’est souvent le cas en automne en Valais, en septembre et octobre, mas c’est plus compliqué en février, mars et avril. Notre canton peut par contre tirer parti des mots d’été, où il fait peut-être bien trop chaud pour des sorties agréables en journée sur l’île espagnole.

Emmener son vélo ou le louer sur place?

Pour rejoindre Majorque, l’avion reste pratiquement et malheureusement le seul choix depuis la Suisse. Cela me chagrinait un peu d’ailleurs, mais j’ai compensé mes émission de CO2 pour alléger mon sentiment de culpabilité…

Si vous ne tenez pas absolument à emmener votre vélo à Majorque, vous n’aurez aucun mal à louer une machine de qualité sur place. Selon la compagnie aérienne, le prix sera souvent plus avantageux que le transport de votre vélo en bagage accompagné. Certaines compagnies offrent ce transport (Edelweiss par exemple), d’autres sont assez chères (92 CHF par vol et par vélo chez Swiss, avec une procédure de réservation tout sauf intuitive sur son site internet où il faut dénicher le lien qui vous permettra de téléphoner à la compagnie pour annoncer et réserver une place pour votre monture).

Pour ma part, comme j’avais la chance de tester un Van Nicholas titane, je ne me suis pas fait prier pour emmener un vélo. Des news de cette monture bientôt.

Le vélo de la semaine…

Pour ce qui est de la location, le Valais peut et doit évidemment mieux faire qu’aujourd’hui s’il souhaite accueillir les cyclistes en masse, sur route ou en VTT.

Ensuite, bien évidemment, que l’on chevauche sa monture personnelle ou de location, on appréciera toujours de déguster un petit café au sommet du col, avec un accueil sympa…

Logement: près de Palma ou plus au nord?

Ce ne sont évidemment pas les hôtels qui manquent à Majorque… Le plus simple et rapide depuis l’aéroport est de s’installer dans la périphérie de Palma. On évitera le centre-ville, certes charmant, car il est vraiment compliqué d’y entrer et d’en sortir à vélo (c’est du vécu…) par les grands axes.

Le col de Sa Calobra, autre passage obligé de tous les cyclistes.

De (très) nombreux cyclistes choisissent de s’installer plus au nord par exemple à Port de Pollença ou à Port d’Alcudia, comme nous. Si vous recherchez le charme des villages majorquins, oubliez le « Port » et installez-vous dans la localité historique. Mais les grands hôtels, le charme en moins, sont sur le bord de mer. L’avantage de la région est d’être un peu plus proche de la partie montagneuse de l’île, idéal pour alterner journée de plat et enchaînements de cols.

La mer sans vélo, cela a aussi son charme 😉

La région de Soller-Port de Soller, célèbre pour ses oranges et le train historique en provenance de Palma, peut également être un bon choix, mais cette cuvette en bord de mer vous obligera à débuter vos sorties en côte…

Une bonne excuse pour déguster un café au sommet de la première bosse. S’il reste des places…

9 réflexions au sujet de “Destination vélo: ce que Majorque peut et doit nous apprendre”

  1. Wahooou! Très beau reportage sur cette île que je n’ai plus revue ….depuis notre voyage de noces en …1966. Merci de nous faire part de votre enthousiasme et de nous remontrer ces merveilleux paysages! Pour ce qui est des panneaux en faveur de la sécurité des cyclistes et du fair play des automobilistes, bravo la Région! Bon, en Valais, ça bouge, mais pas vite, j’en convient. Merci Joakim de cette fraîcheur de vue et de nous faire rêver …

    • Merci Fabienne! Ça devait être quelque chose en 1966, même si certains coins n’ont pas dû beaucoup changer depuis et d’autres énormément (pas toujours en bien j’imagine)…

  2. Très sympa votre reportage, qui m’a d’autant plus intéressé que je m’y rends très bientôt, à Majorque. Merci des « bons plans ». D’ailleurs, je serais intéressé d’avoir le nom (ou la référence) de cette carte prévue exprès pour les cyclistes? Merci et belle saison en deux roues.

  3. Magnifique article et je ne peux que valider ces arguments. J’y suis allé fin mars et ce fut une semaine de rêves. Des conditions au top, des paysages de rêves et une nourriture divine. Seul bémol, attendre pour y retourner.

  4. Merci pour votre article. En vacances balnéaires à Alcudia, pas encore rentré, je m’organise pour planifier mon warm up du printemps 2020.

    Je suis interloqué par les infrastructures routières pour les vélos. Les autorités locales ont gagnés leur pari à mon avis.

    Bon, direction réservation !!!
    Salutations,
    David

    • Merci pour le compliment et pour le gros boulot sur Komoot. Je n’utilise pas vraiment cette plateforme, mais pour la découverte de nouveaux endroits elle me semble pas mal du tout. Ce concept de « collection » est vraiment bien.

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